Plaidoyer pour la pédagogie du jeune enfant en formation d’éducateur

Jardinière d’enfants depuis les années 1960 et devenue éducatrice de jeunes enfants en 1973, mon long cheminement professionnel m’amène à partager quelques réflexions sur ce que j’observe sur l’évolution de la profession et de la formation d’EJE. Après avoir fait mes études à Lille, j’ai commencé à travailler dans une institution d’éducation motrice et ensuite en tant que formatrice et enseignante de la pédagogie dans deux Instituts de Recherche en Travail Social (IRTS).

Si la profession montre une réelle et constante dynamique d’adaptation, il m’apparaît qu’actuellement elle fait l’objet de certaines orientations qui, sans la faire dévier de sa mission initiale, méritent certains rappels. Je viens ici partager quelques réflexions à ce sujet.

Un peu d’histoire

Si l’on remonte aux années 1960-1970, on constate que les jardinières d’enfants, confrontées à la fermeture des jardins d’enfants, ont su se faire estimer dans les services de pédiatrie, les institutions pour enfants déficients moteurs ou mentaux. On les trouve aussi dans les internats pour les jeunes mères, les foyers d’accueil pour enfants en difficulté sociale et les crèches. Apparemment rien ne les y préparait durant leur formation, car on n’y faisait pas de sociologie, ni de cours sur le handicap, ni sur la parentalité. La connaissance du bébé n’était pas au programme.

Lorsque j’ai été recrutée, à cette période, dans un institut d’éducation motrice pour travailler dans le service d’ergothérapie, le directeur m’a dit : « J’apprécie les jardinières, elles connaissent bien les enfants, les considèrent comme tels avant tout et savent que faire avec eux. » Se dévoilait alors une perception de la profession qui allait l’accompagner durablement.

Pour moi, ce ne fut pas facile. J’ai dû m’initier peu à peu au handicap et à ses conséquences sur le jeune enfant, à la fonction des différents rééducateurs et à un vocabulaire spécialisé. Le sens de ma place n’a été reconnu qu’au travers de nombreuses rencontres et échanges. J’ai donc fait des découvertes et des apprentissages que je n’avais pas faits en formation.

Mais alors avec quels moyens ai-je pu m’adapter, alors que les enfants du centre de rééducation étaient âgés de plus de 6 ans et avaient des particularités physiques et intellectuelles que je ne connaissais pas ? Qu’est-ce que la formation m’avait apporté et qui m’a permis, ainsi qu’à de nombreuses jardinières d’enfants, de m’adapter sans perdre mon identité, tout en accomplissant le rôle qui m’était demandé ?

Le fait de pouvoir m’appuyer sur une solide connaissance du petit enfant dans sa dynamique d’évolution et de ses besoins m’a considérablement aidée. Des observations de chacun des enfants, que j’ai partagées avec mes collègues furent une bonne base de travail d’équipe. J’avais quelque chose à leur apporter en échange de ce qu’ils pouvaient m’apprendre. Nous valorisions ainsi nos compétences autour de l’enfant. De plus, un esprit curieux, fruit de ma culture personnelle et de ma formation, m’a soutenue dans mes ouvertures. L’enfant dans son essence et sa globalité fut toujours ma référence, malgré son handicap. J’avais appris à considérer l’enfant comme un tout. En l’occurrence, il n’y avait pas que la rééducation motrice qui comptait, ni le fait qu’il marche ou pas, il y avait lui, sa vie d’enfant, qui malgré ses limites psychomotrices, développait ses sentiments, son intelligence, sa vie sociale.

Les adaptations de la profession continuent

Lors des quarante ans du métier d’EJE, j’ai été invitée à des tables rondes avec des EJE qui venaient partager leur parcours professionnel devant un public d’étudiants et de professionnels. Le terme « parcours » n’étant pas ici une expression banale. Ce furent des périples, des aventures, mieux : des créations continuelles, qui furent exprimées. Je fus impressionnée par la diversité des lieux où chacune[1] exerçait ou avait exercé la profession d’EJE. Quelques secteurs apparaissaient même atypiques par rapport à l’idée qu’habituellement l’on a de la profession que l’on situe plutôt dans le secteur de la petite enfance valide. Par exemple, des EJE ayant préparé un diplôme commun avaient des fonctions aussi diverses que les soins aux mamans toxicomanes ou non voyantes et l’aide que l’on peut leur apporter dans la relation avec leur enfant.

Actuellement, les EJE travaillent dans toutes les formes d’accueil de la petite enfance hors école maternelle. Ils y ont pris la direction des crèches et même du département pédagogique de leur entreprise. Ils travaillent dans les internats ou les services pour enfants déficients moteurs, polyhandicapés et déficients intellectuels. Ils accueillent des enfants en difficultés sociales.

Je ne peux décrire toute la diversité des institutions ou des fonctions remplies par les EJE[2]. Cette diversité a des interrelations avec la formation.

La formation s’est enrichie et s’est ouverte

Après 1973, date du diplôme d’Etat où la profession a pris le nom d’éducateur de jeunes enfants, le programme de formation des EJE s’est ouvert à d’autres périodes de la petite enfance, à d’autres secteurs d’accueil de celle-ci, ainsi qu’à leurs problématiques. Le programme de santé s’est enrichi. Les équipes de formateurs ont accueilli des sociologues, des légistes, des psychologues, des pédiatres. L’évolution du statut des éducateurs de jeunes enfants a exigé des connaissances comme le droit, l’économie sociale, la sociologie, la psychosociologie. Les connaissances qui touchent à la parentalité s’y sont heureusement intégrées.

La connaissance du jeune enfant et la nécessité de concevoir son éducation comme celle d’un être global ont continué à être fondamentales. De nouveaux éléments de la formation ont amplifié les dimensions sociales de la profession et l’enfant fut réellement perçu comme faisant partie d’un réseau. Chacun des centres de formation ou des départements s’est adapté au nouveau programme de 2005 qui est enfin passé à trois ans. Des centres de formation souvent fidèles à leur histoire ont gardé les références identitaires propres à la profession d’EJE. Par ailleurs, dans certains instituts de formation, des programmes universitaires ont été intégrés en vue de passer plusieurs diplômes. La formation des EJE s’y fait plus ou moins conjointement avec d’autres professions sociales, s’adaptant même à leurs objectifs et provoquant une ouverture vers le monde social et sa gestion.

Comment éviter l’écartèlement entre les fondamentaux pédagogiques de la formation et la connaissance de toutes ces disciplines sociales qui expliquent la société dont les enfants font partie ? La connaissance de l’enfant et la pédagogie qui est propre au métier d’EJE sont-elles encore les enseignements et les références essentiels de la formation et de la profession ?

Une métaphore qui trouvera une résonance auprès des EJE me vient à l’esprit : celui d’un grand arbre dont les branches s’étalent dans des sens différents. Ces dernières peuvent être d’autant plus lointaines et multiples que les ramures sont rattachées à un tronc solide. Ce tronc prend ses racines dans la formation. Mais j’ai l’impression que l’édifice est ébranlé. Que les multiples branches pèsent de plus en plus. N’y aurait-il pas actuellement un décentrage de l’objectif essentiel de la profession qui est l’éducation de celui qui va participer à l’avenir de notre société : l’enfant ?

La profession d’EJE doit-elle être au service de la société ?

Un courrier de l’unaforis[3], envoyé au ministère, affirmait dernièrement que « les professions sociales [dont font partie les EJE] ont pour but essentiel de contenir les effets de la transformation et la complexité croissante des problèmes sociaux ». De son côté un centre de formation d’EJE[4] invite à réfléchir aux hypothèses d’évolution de la formation EJE en prenant en compte la commande publique, les attentes des employeurs, la sociologie professionnelle. Divers articles de journaux[5] ont souhaité que l’éducation de la petite enfance soit axée essentiellement sur la préparation à une scolarité efficace, en particulier la lecture, par l’intermédiaire de l’apprentissage d’un bon vocabulaire. C’est ainsi que l’on va pallier le projet d’égalité des chances, comme si c’était un but absolu.

Quelle société pourrait faire peser ses imperfections sur ses enfants pour les compenser ? Comment est-il possible d’avoir pensé observer les jeunes enfants pour détecter chez eux des attitudes prédélinquantes, sous prétexte de prévention sociale[6] ?

Il apparaît donc que la profession d’EJE se retrouve au service de la société et de ce que cette dernière a déterminé comme finalités auxquelles on lui demande de préparer les enfants.

Elle est entraînée ainsi dans une démarche qui ne correspond pas à ses références essentielles.

Je voudrais rappeler ici que la profession d’EJE a pour discipline capitale la pédagogie, dont certaines idées sont fondamentales dans l’identité de la profession. Ces dernières trouvent leur origine dans le courant humaniste qui considère l’être humain, l’enfant en l’occurrence, comme acteur de son développement tout en respectant les stades de celui-ci. Les éducateurs accueillent l’enfant dans un environnement humain et matériel, élaboré de façon à ce qu’il puisse y choisir ce qui convient à son développement à ce moment-là. De ce fait, il est au maximum par rapport à ce qu’il peut donner et non pas en fonction de ce que l’on attend de lui. Ainsi l’enfant n’est pas considéré en fonction de ce qu’il doit faire par rapport à l’avenir, mais en fonction de ce qu’il est prêt à faire. Ceci est bien plus efficace, car l’enfant répond pleinement à ses compétences présentes et non pas à un avenir qui est très aléatoire.

C’est un travail à long terme basé sur la confiance dans l’enfant qui n’est pas un objet, mais un sujet reconnu comme tel. Par voie de conséquence, il saura reconnaître les autres pareillement plus tard et prendra ses responsabilités.

Pour confirmer la profession d’EJE dans sa mission auprès du jeune enfant, voyons la qualité de la formation.

Des éléments de la formation décisifs

Le jeune enfant a fondamentalement besoin d’être entouré de personnes qui sont sensibles à la communication non verbale et qui sont attentives à ses besoins de confort affectif et de découvertes multiples. De plus, dans la mesure où il passe une grande partie de ses journées en institution d’accueil, l’enfant doit pouvoir y rencontrer un personnel qui saura créer pour lui un environnement de qualité, que ce soit sur le plan relationnel ou matériel. Un environnement où il trouvera sécurité, confiance et de quoi se réaliser en tant qu’être humain en train de grandir. Ceci en fonction de ses propres compétences, de sa culture et ce qui fait qu’il est une personne.

La première compétence de l’adulte responsable de l’enfant qui me vient à l’esprit est l’attention, l’observation empathique, celle qui comprend l’autre et qui sait voir la particularité des besoins de son interlocuteur. A partir de là, une décision éducative opportune peut être prise.

La culture pédagogique

Ce sont les pédagogues qui ont tracé le chemin. L’observation est la priorité pour Jean- Jacques Rousseau qui en a parlé au tout début de son ouvrage : Emile ou de l’éducation. C’est une des démarches les plus difficiles, car il faut savoir voir et écouter, alors que l’on a tant à transmettre à l’enfant qui est censé avoir tout à apprendre. Qui a mieux parlé de l’observation qu’Emmi Pikler[7] et tous ceux qui, lors de la découverte des richesses de la toute petite enfance, nous ont dévoilé l’importance de ses signaux et la façon de les interpréter. De plus, d’autres pédagogues nous ont apporté l’élan de vie de la petite enfance face à la nature, comme Frédéric Fröbel[8] qui nous met en face de la similitude essentielle entre l’enfant et la plante. Quant à l’éveil sensoriel, le travail scientifique fascinant de Montessori[9] n’a pour égal que l’approche globale de Decroly[10] où là aussi la vie est le creuset de la pédagogie. La valeur du jeu et son impact essentiel dans la vie de l’enfant se retrouvent chez la plupart des pédagogues. Et si Montessori ne veut pas employer le terme, sa remise en cause permet une réflexion et des choix. L’étudiant apprend ainsi à faire la part des choses. Les expériences relatées par les pédagogues nous dévoilent comment ils ont appris aux enfants à se libérer de leur ignorance, appris à vivre ensemble, à se découvrir eux-mêmes et l’entourage. Pestalozzi[11] n’a-t-il pas dit qu’éduquer c’est libérer la vie ?

La connaissance des grands éducateurs, de leur histoire, de leur recherche, de leur réflexion philosophique sur l’éducation, permet en plus de se ressourcer auprès de leurs idées et de pouvoir s’identifier. Car ce sont les gens et non les concepts qui font la pédagogie. Le témoignage de leur cheminement, le partage de leurs expériences est plus prégnant que les grandes idées éducatives. C’est ici que se situe la culture pédagogique des éducateurs de jeunes enfants.

Mon expérience d’enseignante de la pédagogie m’a fait assister, lorsque les étudiants découvrent tel ou tel pédagogue, à des appropriations, à des emballements, à des passions, relativisés par la rencontre d’un autre penseur de la pédagogie qui a quelquefois dit l’inverse. Quelle émotion lorsqu’un petit groupe vient faire un exposé pour transmettre ses recherches, ses découvertes, son travail de comparaison. Certains font aussi des relations avec l’époque et les idées au moment où elles ont été créées. Le travail sur les pédagogues fait penser, choisir, construire des arguments et surtout une compréhension que l’étudiant se prépare à partager avec ses collègues, les parents ou les interlocuteurs politiques.

La démarche de recherche

Confrontées à la réalité individuelle de chaque enfant et de la société, les idées pédagogiques demandent des qualités particulières pour être mises en place. Elles s’acquièrent par un travail sur soi. Ce sont des démarches de recherche continuelles sur des notions qui sont revisitées régulièrement. De nombreux auteurs praticiens l’ont fait et le font encore actuellement[12].

Une des démarches les plus difficiles en formation est le lien entre la théorie enregistrée en cours ou bien découverte par des lectures et les observations vécues en stage. Autant certains étudiants font de très bonnes observations subtiles, complexes, appropriées et savent faire le rapport entre la réalité enfantine et des idées éducatives ou une référence sociologique, autant d’autres ne « voient » pas. Pour eux, la situation qu’ils ont sous les yeux ne coïncide pas avec une idée émise par un auteur. La synthèse entre l’enseignement et la mission éducative exige de la part de l’étudiant un travail intérieur, une implication personnelle réelle et savoir accepter des interrogations. C’est avec cette dynamique qu’il invente, se met à la portée de l’enfant, interroge la réalité de celui-ci. C’est donc avec « le penser par soi-même » que l’étudiant observe.

Ainsi le futur éducateur va au-delà de l’obéissance à des courants de pensée, car il aura pris l’habitude d’une attitude de recherche indispensable pour l’éducation du jeune enfant et il pourra ainsi prendre la bonne décision dans la réalité.

L’enfant ressent cette attitude de la part de l’adulte. Elle le met en confiance puisqu’il a affaire à quelqu’un qui ne l’enferme pas mais qui est à son écoute, avec un bagage qui va l’aider à donner du sens et de la valeur à son comportement.

Lorsque les étudiants arrivent en formation, ils ont déjà des connaissances dites scolaires avec une certaine méthode de travail. Ce qui les rend à même d’assumer les nouvelles connaissances théoriques qu’ils vont avoir à découvrir. De plus, ils ont aussi ce qui relève d’une culture personnelle et familiale. Ils peuvent avoir une pratique plus ou moins longue avec des enfants et certains arrivent avec des passions comme la pratique d’un sport, d’un art plastique ou de la musique, la lecture, la découverte de la nature, l’informatique… C’est important, car c’est le fruit d’un choix, d’un engagement qui leur fait vivre un apprentissage de la vie avec ses exigences, ses limites et ses enrichissements. Il est souhaitable qu’ils puissent les intégrer dans leur formation. Cela leur signifie une reconnaissance de la part des formateurs de ce qu’ils ont construit antérieurement. Leur investissement se fera sur des bases profondes et expérimentées.

Des ateliers d’échanges

Il est important qu’ils puissent au cours d’ateliers, artistiques ou autres, de travaux de création en groupe, de préparation d’exposés, réinvestir leurs choix personnels. Ils échangent, apprennent à écouter les autres, à se valoriser réciproquement. Ils se travaillent, se comprennent, s’acceptent, prennent confiance en eux et se préparent ainsi à comprendre l’autre. N’est-ce pas ici les bases du travail en équipe ou de la relation avec les parents ? Les jeunes enfants remettent en cause l’adulte profondément. Un travail personnel permet d’y répondre pour la construction réciproque.

La vie institutionnelle de la formation, les échanges entre promotions, les responsabilités diverses, se répercutent dans les cours ou les échanges. Les interactions entre étudiants et enseignants sont d’autant plus riches que l’ambiance est positive et généreuse. Je l’ai constaté régulièrement durant les dizaines d’années d’enseignement que j’ai pratiquées. L’accueil de l’autre et l’accueil du savoir vont ensemble. Chez nos anciens les Grecs, la connaissance et le bien étaient liés. Il n’y a pas de savoir sans une réelle communication.

Et la nature

Je souhaite aussi que l’approche de la nature revienne dans les formations d’EJE.

Je me souviens avoir participé, à l’invitation d’une formatrice, à des journées passées dans un grand jardin avec un groupe d’étudiants. Nous n’en n’étions plus aux vœux de Fr. Fröbel et ses jardins d’enfants, nous étions dans le vécu. Après avoir exprimé leurs peurs, leurs souvenirs, leurs expériences riches et diverses, les étudiants ont fait des similitudes avec leur regard pour l’enfance. Des moments d’observation fine, de silence, d’ébahissement devant la vie qui se découvre, étaient proches de ce qui peut se vivre avec les jeunes enfants et surtout apportaient des ouvertures autres que ce que peut donner la théorie, qu’elle soit pédagogique ou psychologique. L’attention y était importante là aussi, de même que les exigences dues aux soins. On y retrouvait non seulement la notion du temps et la patience essentielles dans l’éducation, mais aussi le respect de l’essence enfantine, de la dynamique de la vie qui évolue avec ses propres règles.

La nature apporte en plus un terrain d’observations partagées avec l’enfant qui y trouve de quoi s’identifier, apprendre la vie et grandir. Le même partage peut se faire entre adultes.

C’est entre autres grâce à ces démarches : les créations communes et le contact avec la nature, que l’EJE au sein d’une équipe saura faire preuve d’une écoute positive, saisira l’essentiel d’une situation et construira la réponse unique nécessaire. Il aura une perception globale qu’exige toute situation humaine et prendra en considération l’ensemble sans dédaigner les petits détails chers à Emmi Pikler. Ce qui peut réellement améliorer les interactions avec et autour de l’enfant dont la sensibilité a besoin de cet l’environnement pour se construire.

Parallèlement l’acquisition des multiples connaissances socioéducatives et législatives est nécessaire. Mais l’amplitude de ces disciplines est très large. N’y aurait-il pas actuellement un éparpillement, séduisant certes, mais épuisant pour l’étudiant ? Si les enseignants font pour la plupart leur possible pour que le contenu s’ancre dans une expérience vécue en stage, c’est bien à l’étudiant de faire le lien entre les deux. Pour cela, il faut du temps indispensable pour la culture du jugement et la connaissance de soi fondamentale pour accepter la remise en cause faite par les enfants et leur vérité. Au centre des injonctions multiples, il faut pouvoir respirer, assimiler, s’exprimer. La construction des savoirs a besoin de mouvement donc de place.

L’attitude de recherche vis-à-vis de la petite enfance, que l’étudiant aura amorcée durant sa formation, l’accompagnera durant sa vie professionnelle. N’est-ce pas avec elle qu’il saura faire les adaptations dont nous avons parlé ci-dessus ?

Tout comme l’enfant, l’étudiant n’est pas qu’un cerveau. Il demande à être considéré dans sa globalité. La place de l’émotion dans la démarche intellectuelle a été démontrée[13], dans la mesure où on avait oublié Pestalozzi et son équilibre entre : la tête, le cœur et la main.

Si de nombreux problèmes de société étouffent enfants et adultes actuellement, je pense que c’est avec l’harmonie que l’on réagit à une situation sociale déstabilisée et non avec une dysharmonie opposée.

Que dirait Montaigne et sa « tête bien faite » s’il voyait certains programmes ?

Bernadette Moussy

[1] C’est circonstanciel qu’il n’y eut que des femmes. C’est pourquoi j’emploie le féminin.

[2] Voir « Les enjeux du métier d’éducateurs de jeunes enfants » Auzou-Riandey, D. ; Moussy, B. (Chapitre 2) , ESF 2012.

[3]Union nationale des associations de formation et de recherche en intervention sociale.

[4] Séminaire sur la formation d’EJE-enjeux-évolution-perspective CRFPE, Lille 6-7 février 2014.

[5] LA TRIBUNE.FR – 08/01/2014.

[6] Voir le mouvement « Pas de 0 de conduite pour les enfants de trois ans. » « C’est pourquoi il est fondamental de focaliser la politique de prévention de la délinquance sur la prévention précoce ». Le monde ,du l18 février 2011.

[7] 1902-1984

[8] 1782-1862

[9] 1870-1952

[10] 1871-1936

[11] 1746-1827

[12] A ce sujet, je signale deux très beaux et bons ouvrages : Le monde secret de l’enfant, de Sevim Riedinger Editions Montparnasse, 2013 et Pour une enfance heureuse du Dr Catherine Gueguen, Robert Laffont, février 2014.

[13] Antonio Damasio, L’erreur de Descartes, la raison des émotions, Odile Jacobs, 2010.

Retour en haut