La vision de l’enfant et de la famille dans Toy Story

Comme il a été dit dans le numéro précédent, les films pour enfants posent un certain nombre de problèmes qui touchent principalement à la dimension éducative de ces derniers. Si d’un côté, le monde institutionnel peine à intégrer les films pour ne pas niveler ses perspectives pédagogiques, les familles, de l’autre, se perdent quelque peu dans l’immensité de l’offre et se voient confrontées à une difficulté de plus en plus présente: laisser les enfants se divertir tout en contrôlant ce qui est consommé, tant dans la quantité que dans la qualité.

Or, ces problèmes font apparaître une chose primordiale: face au marché du film pour enfants en pleine expansion, les acteurs/trices du monde de l’enfance manquent de temps et surtout d’outils analytiques pour appréhender un produit filmique de manière réflexive et en percevoir les potentiels éducatifs. Malgré la prolifération de différents dispositifs d’aide et de conseils (notamment via internet), les critères de choix pour un film touchent encore la présence ou l’absence de valeurs jugées adéquates, et ce, indépendamment de leur place au sein du récit filmique. Pourtant, ce critère est délicat, car un film peut très bien contenir des valeurs « positives » de prime abord tout en véhiculant des représentations identitaires problématiques. Les films ne se contentent pas de proposer des histoires divertissantes et anodines, ils font état de visions subjectives et plus ou moins morales. En ceci, les films  ̶   même les films pour enfants  ̶  constituent des discours articulés sur le monde qui « disent » plus qu’il n’y paraît dans l’histoire qu’ils racontent.

Pour une entreprise du divertissement aussi puissante que Disney, la chose est encore plus notoire du fait qu’il s’agit là d’un principe qui sert à fidéliser la clientèle : la présence des mêmes valeurs et de discours similaires pendant des décennies tient lieu de marque de fabrique et de garantie du succès. Mais, entre ce que les films cherchent à prôner de manière directe et ce qu’ils véhiculent en réalité notamment en termes de modèles comportementaux et sociaux, il y a parfois une différence telle qu’on se retrouve face à de vraies contradictions.

On peut prendre, pour illustrer cette idée, le film Toy Story réalisé en 1995 par les studios Pixar, alors responsables du département digital des studios Disney. Le film, qui a donné lieu à deux suites réalisées respectivement en 1999 et en 2010, met en scène des jouets appartenant à Andy et qui prennent vie lorsque celui-ci n’est pas présent. En un sens, le film réactualise un thème déjà exploité dans Pinochio lui-même hérité d’un mythe connu : celui de Pygmalion, dont le désir envers sa statue était si fort qu’il a fini par donner la vie à celle-ci. Dans Toy Story, le mythe se prolonge d’un fantasme récurrent chez l’enfant : le souhait que ses jouets prennent vie. Ainsi, a priori, Disney donne corps à ce fantasme et, en cela, accomplit une dimension attachée au cinéma depuis son apparition : réaliser les rêves. Les jouets sont ainsi placés dans une série d’aventures comme celles que l’enfant peut imaginer, à cela près qu’elles s’inscrivent avant tout dans une structure de récit classique avec des nœuds et des résolutions orchestrées. Dans le même ordre d’idée, le film donne aux personnages des rôles bien agencés: un héros, des adjuvants (qui aident à la quête) et des ennemis.

Visiblement, ce que le film « prône » repose en partie sur une dimension psychologique attachée au développement de l’enfant : l’importance du jeu, de l’imagination et de la créativité qui découle de ces éléments, spécialement dans un cadre comme celui qui est mis en scène ici : un déménagement, c’est-à-dire une perte de repères pour l’enfant. Ceci est d’ailleurs explicité par Woody, le jouet-Cow-boy protagoniste du film, qui insiste tout au long du récit sur le fait de ne pas abandonner Andy, et de l’importance d’être toujours « là pour lui ». Principalement, le message touche donc aux rapports de solidarité et surtout d’amitié. Le thème musical du film écrit par Randy Newman est à ce titre, comme Disney le fait habituellement, redondant et explicitant : « You’ve got a Friend in me », qui veut dire littéralement : « Tu as un ami en moi », c’est-à-dire : «Tu peux compter sur moi ». Titre qui revient tout au long du film comme un leitmotiv et qui désigne clairement le rôle des jouets vis-à-vis de l’enfant.

Du fait de ces éléments, le film est généralement très bien coté sur les sites dont on a parlé précédemment, de même que ses deux suites. En outre, le langage utilisé est peu vulgaire et simple d’accès. Les « moments difficiles » – peu nombreux – ne touchent pas à des thèmes délicats et sont désamorcés par la résolution finale (ils ne servent donc, narrativement parlant, qu’à constituer des nœuds pouvant être résolus). Toy Story semble donc adéquat pour la tranche d’âge visée, à savoir les enfants à partir de 7 ans (certains sites le recommandent même pour des enfants plus jeunes, en indiquant simplement qu’ils pourraient ne pas comprendre l’articulation du récit).

Cependant, derrière ce thème et ces composantes, le film dit aussi tout autre chose, notamment dans les représentations de l’enfance et de la famille qu’il véhicule, ce, par le moyen de scènes et de plans dispersés dans le film. En effet, si on regarde comment Andy est construit en rapport à Cid,  l’enfant méchant du film, il apparaît qu’au-delà de la simple fonction binaire (héros-ennemi), les deux enfants illustrent une certaine vision de ce qui est « juste » et « faux », ou du moins, ce qui est moralement acceptable et ce qui ne l’est pas en matière d’éducation et de modèle familial.

D’un côté, Andy nous est montré comme un garçon épanoui et joueur qui « respecte » ses jouets, tandis que, de l’autre, Cid, prototype du garnement turbulent, les modifie. Or, cette modification, loin d’être approuvée comme une marque de créativité et d’imagination favorisant l’épanouissement de l’enfant, est au contraire condamnée sévèrement et assimilée à une torture. Les jouets sont à ce point anthropomorphisés que toute atteinte à leur intégrité physique est réprouvée par le film. Pour renforcer cette dimension, on appuie sur la méchanceté de Cid à qui on dénie des éléments qui composent généralement l’enfant « sain », en opposition à Andy. Et dans ce procédé apparaissent en sourdine des modèles familiaux différenciés : pour Andy, la mère est omniprésente et s’apparente à une « bonne mère » puisqu’elle est là à toute heure de la journée pour veiller sur Andy, le conseiller et, si nécessaire, l’inciter à ranger sa chambre. Le père, dont on assume qu’il travaille, n’est jamais montré. Pour Cid, il n’y a apparemment ni mère, ni père. Mais on voit tout de même, lors d’un très bref moment où Buzz arrive par mégarde dans une pièce en voulant s’évader de la chambre de Cid, un adulte assis devant une télévision. Le plan se présente en contre-plongée pour s’apparenter au regard du jouet au ras du sol. Sous cet angle, on voit un fauteuil de télévision avec l’appuie-pieds relevé sur lequel est assise une figure masculine corpulente qui ronfle. Devant lui, très proche, se trouve un poste de télévision qui constitue la seule lumière d’une pièce qu’on devine assez sombre. Aux pieds du fauteuil se trouvent des cannettes de soda vides et cabossées. Mais le plan ne dure qu’un instant puisque Buzz quitte rapidement la pièce.

Que « dit » cette scène ? En exploitant un imaginaire spectatoriel attaché aux éléments qu’elle représente, elle dit que, dans le foyer de Cid, il y a un homme qui passe sa (ses ?) journée(s) devant la télévision (il y a plusieurs cannettes aux pieds du fauteuil), ou du moins la regarde en pleine journée et qui donc, ne travaille vraisemblablement pas. En outre, s’il s’agit du père, la scène dit que Cid est en réalité livré à lui-même, délaissé par des adultes amorphes (la télévision regardée dans une pièce sombre et en désordre, en plus de la corpulence de l’homme, suggèrent un « laisser-aller ») et absents de son processus éducatif, ce qui justifie la méchanceté du garçon.

Dès lors, non seulement se dessinent deux modèles familiaux opposés selon l’habituel axe « bien-mal » récurrent chez Disney, mais également une « idéologie » attachée à l’éducation d’un enfant qu’on peut formuler ainsi : l’enfant a besoin d’une mère présente dans le foyer, qui s’occupe de lui et veille à sa socialisation (elle organise son anniversaire avec ses amis). L’absence du père n’est pas déterminante, car celui-ci travaille sans doute et amène l’argent au foyer.

Pour se convaincre du bien-fondé de cette norme qui se déguise en « réalité », on oppose cela à un contre-modèle : une mère absente (couple séparé ?), un père au chômage et donc un enfant démuni et tortionnaire. Le film construit ainsi une équation morale qui constitue en réalité une approche dépréciative de ce que vit une partie de la société occidentale contemporaine (celle de 1995): le divorce, les familles recomposées et surtout la complexification des identités de genre (homme-femme), notamment en ce qui regarde les rôles éducatifs vis-à-vis de l’enfant. Ici, tout est simplifié : sans la configuration familiale et le partage traditionnel des rôles hommes-femmes, l’enfant se perd et devient violent.

Le film, au-delà de l’aventure des jouets, véhicule ainsi une idéologie rétrograde : seule la famille nucléaire basée sur la différence des rôles genrés permet une éducation équilibrée.

Et cette idéologie n’en reste pas là. Elle se double, dans Toy Story 3, d’une sorte de déterminisme social, c’est-à-dire d’un effet à long terme d’une éducation inadéquate sur un enfant. Là aussi, la scène est rapide et peu utile au déroulement du récit, mais laisse tout de même entrevoir ces traces morales : Woody et les autres jouets sont accidentellement mis, assez au début du film, dans un sac destiné aux ordures et luttent pour ne pas être ramassés par les éboueurs. A ce moment-là, le camion à ordure apparaît et l’éboueur qui en sort porte exactement le même vêtement que Cid dans le premier film : un T-shirt noir avec une tête de mort blanche. On ne voit pas son visage masqué par un bonnet, un casque de musique et des cheveux longs, mais le signe est là. Or, lorsqu’on sait que ces signes sont abondamment utilisés par ces films pour aiguiller les spectateurs/trices vers des informations cruciales, on peut légitimement douter de l’accidentel de cette coïncidence. Quoi qu’il en soit, ce motif rajoute une dimension morale (en plus d’un clin d’œil aux plus observateurs/trices) rétroactive au personnage de Cid en insistant sur les répercussions fatales d’une configuration familiale « anormale » génératrice de violence (rappelons qu’a contrario, Andy va à l’Université). Chez Disney, les méchants (et parfois les gentils, comme Pinocchio) « paient » toujours leurs actes négatifs. Ici, le film « punit » en quelque sorte Cid pour le mal qu’il a fait en étant enfant puisqu’on le dote d’une activité professionnelle dégradante (on pourrait aussi relever la vision très manichéenne du monde professionnel véhiculée par Disney), comme une « juste » conséquence de ses actes: en « détruisant » les jouets construits et possédés par d’autres, il en faisait en quelque sorte des déchets, ce qui le condamne à ramasser ceux des autres…

Les jouets-fétiches

Cette idée et cette soi-disant violence à l’égard des jouets cachent en réalité quelque chose qui est aussi propre à une industrie commerciale comme Disney : le respect fétichiste de l’objet acheté. En effet, il ne faut pas oublier que Disney a, dès la sortie du film, collaboré avec Mattel et Hasbro pour fabriquer en série des jouets à l’effigie des « jouets » du film. Ce principe est d’ailleurs mis en abyme et utilisé dans Toy Story 2, notamment lorsque Buzz l’Eclair se retrouve nez-à-nez avec ses « doubles » dans un magasin. Même si la scène en question est plutôt dramatique puisqu’elle met en question la notion d’individu confronté à une forme de clonage, il n’y a pas de remise en question de la production massive de marchandise identique. Bien au contraire, sous couvert de critique, via ce qu’éprouve Buzz, le film profite de faire de la publicité pour les produits dérivés qui existent réellement dans les Disney Store ou les Toys Are Us. Et ceci se confirme par le fait qu’en regardant bien, on s’aperçoit que les rayons du magasin fictionnel où se trouve Buzz présentent des figurines tirées d’autres films de Disney comme des peluches de la fourmi de Bug’s Life (on peut aussi noter la présence de nombreuses Barbies, fabriquées par Mattel). Mais loin d’assumer une logique mercantile sérielle présente jusque dans le monde fictionnel, le film procède à son invalidation, ou du moins la minimise en exploitant l’opposition individu vs masse dans le but de faire oublier que ces jouets sont justement et avant tout des produits de masse. Par le lien d’amitié entre Andy et ses jouets (et la réciproque fictionnelle), par les prouesses, au nom de cette valeur, de Buzz et de Woody, par la mise en scène des jouets dans une aventure « unique », et par les aventures qu’Andy leur fait vivre (celles qui ouvrent chacun des trois opus), le film semble chercher à faire valoir l’idée que la possession matérielle « donne » de l’individualité aux objets de masse et que ces éléments peuvent « rattraper » leur anonymat, une fois sortis du magasin. C’est d’ailleurs quelque chose d’esquissé dans le premier opus de la trilogie, lorsque Woody tente de convaincre Buzz qu’être le jouet d’Andy est une meilleure condition que d’être un « Ranger de l’espace » : l’identité fictionnelle et générique, donc anonyme, conçue pour le jouet et à laquelle ce dernier croyait. Cela lui permet ensuite de se singulariser et de devenir un personnage dégagé des stratégies marketing qui présidaient à sa création (remarquons que cette prise de conscience se fait lorsqu’il voit un spot TV qui met en scène les attributs de cette identité standardisée). Derrière le message « officiel » du film: un jouet est comme un ami, il y a l’idée de singulariser un achat matériel.

En ceci, le récit du film « excuse » une politique commerciale agressive qui fait de l’enfant un double consommateur (à la fois du film et des produits qui en dérivent), en le rendant responsable de l’appropriation d’un jouet (à défaut de son acquisition, vu qu’il n’a pas de réel pouvoir d’achat). Autrement dit, c’est à l’enfant d’individualiser un objet standard et sérialisé; ce qui déresponsabilise le fabricant, qui, lui, se « contente » de mettre à disposition des objets susceptibles d’être « adoptés ».

Toutefois, le film n’en reste pas là sur cette question et « pose » même certaines conditions pour que cette adoption soit optimale. Lorsqu’on reprend le système d’opposition que le film construit entre Andy et Cid, on le constate: ce sont bien les aventures nées de l’esprit d’un enfant qui singularisent les jouets, mais dans ce procédé, le respect de l’objet dans sa forme originelle est impératif. Autrement dit, la modification physique, comme le fait Cid, est malvenue (on a vu ce que ce procédé cause à l’enfant dans le discours). De fait, le film dévoile ce qu’il juge adéquat: une certaine créativité qui ne nuit pas à l’intégrité de l’objet laissé intact, et qui touche plutôt la dimension « scénaristique » émanant de l’objet, à savoir, les histoires que l’enfant peut inventer. Or, là aussi, un contrôle se fait sentir dans la mesure où les effigies du film sont, au moment de leur achat, généralement connues et préalablement prises dans des structures de jeu pré-scénarisées par le film. Autrement dit, lorsque l’enfant acquiert une ou plusieurs de ces figurines, on suppose que cette acquisition se fait à la suite du visionnement du film (dans lequel, rappelons-le, il y a de la publicité pour elles). De ce fait, il y a déjà une « substance » narrative connue et doublement : à la fois l’aventure du film lui-même ainsi que celles qui sont imaginées par Andy. Et l’enfant est, en un sens, invité à les reproduire (il existe une gamme de jouets qui contient, dans un paquet, tous les jouets qu’Andy possède dans le film).

Comme l’a montré Alain Boillat, dans un article consacré aux figurines issues de l’univers de La Guerre des étoiles[1], les figurines tirées des films constituent généralement un tel rappel du récit duquel elles sont tirées, que le potentiel de scénarisation nouvelle est réduit en substance, comme bloqué par l’aspect même de la figurine. Elles ne renvoient, pour ainsi dire, qu’à elles-mêmes et constituent plus des objets figés à collectionner ou des « supports de l’imaginaire »[2] que des jouets à proprement parler. Or, cet aspect prend une dimension supplémentaire dans les Toy Story puisque, à la différence de figurines d’autres films, celles-ci sont déjà des figurines au sein même du film. Erigées en personnages pris dans des aventures, elles sont alors dotées d’une aura proche de celle des stars, ce qui, encore une fois, favorise largement le procédé publicitaire qui pousse les spectateurs/trices à les acheter.

Même la pratique récurrente de la « série limitée », c’est-à-dire la fabrication de figurines dans des matériaux plus chers en nombre artificiellement restreint (donnant ainsi une illusion d’artisanat), est exploitée par la franchise Toy Story ; comme on peut le constater dans le deuxième opus où Woody réalise qu’il est une pièce de collection (et donc plus qu’un simple jouet fabriqué en masse). Hypocritement toutefois, le personnage va lutter pour retourner vers Andy, donc redevenir un « jouet utile », et renoncer par là même à être un objet-fétiche figé dans un musée. Pourtant, Disney a produit des séries limitées de Woody vendues dans des boîtes similaires à celle qui le contenait dans ce deuxième opus. La logique commerciale, qui fait ici feu de tout bois, prime bel et bien sur la cohérence d’un « monde » et surtout sur une éthique: on n’hésite pas à créer dans la réalité, ce qu’on dénonce dans la fiction.

Ainsi, derrière l’apparente morale innocente du film qui prône l’amitié, l’entraide et le « don de soi », Toy Story construit et donne à voir une vision très binaire de la famille et de son rapport à l’enfance. En cela, Disney est fidèle à elle-même puisque ces modèles familiaux sont ceux qu’on retrouve dans la quasi-totalité de sa production. Toutefois, ce film ne se contente pas de les utiliser comme un ingrédient stable et simplement usuel. Il stigmatise des modèles alternatifs construits de manière caricaturale dans le seul but de valider celui qu’il prône, c’est-à-dire dans le but de rendre sa vision comme une unique et légitime vision.

De plus, l’entreprise ne se contente pas de donner à voir un simple film unitaire, mais propose véritablement un univers étendu qui déborde largement les frontières de la pellicule, et dans lequel les objets marchands détiennent une place de choix. De ce fait, la dimension pédagogique qui émane du film concerne en partie l’importance de la possession matérielle d’objets divertissants, sans aborder les problèmes éthiques des procédés et des conditions de fabrication de ceux-ci (alors même que Disney est largement soumis aux critiques internationales sur ces questions) et vise plus à créer des réflexes consuméristes qu’à favoriser l’épanouissement de la créativité.

Avec ce type de production, la frontière entre film de fiction et film publicitaire s’amenuise dans la mesure où le récit de Toy Story sert en partie à faire de la réclame pour les produits réels que Disney vend dans sa chaîne de magasins et ses parcs d’attraction. Ceci, par un procédé marketing frontal: faire exister les produits dérivés du film au sein même du film. On peut donc légitimement se demander quels éléments de socialisation le film véhicule auprès des enfants, hormis le fait de créer des réflexes consuméristes qui les projettent précocement dans un monde d’adultes.

En apparence, il y a peu de « moments difficiles » au sein du film, mais comme on le voit, cette relative absence n’empêche pas le film de véhiculer des idées que d’aucun·e·s pourront juger rétrogrades, voire difficiles, dans la mesure où elles donnent à voir un modèle familial que certains enfants ne vivent pas. Les valeurs contenues dans un film ne sont par conséquent pas déterminantes dans l’absolu. Cela dépend aussi (surtout) de la manière de les dire et de les mettre en scène. Vouloir se focaliser sur des « moments » indépendamment de la place et de la fonction de ceux-ci réduit un film à ses contenus explicites et empêche de percevoir tout le travail idéologique que peut opérer celui-ci.

Jean-Marie Cherubini

[1] Boillat, Alain, « Du personnage à la figurine: les produits dérivés de Star Wars comme expansion d’un

univers », in Décadrages, N° 8-9, automne 2006, pp. 106-136.

[2] Ibid., p. 120.

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