Aménagement de l’espace comme soutien à la sécurité affective

Introduction

Notre article s’intéresse aux bienfaits du travail collaboratif entre la psychomotricienne de l’institution de la petite enfance et notre équipe éducative pour sortir d’une spirale dysfonctionnelle dans la gestion d’un groupe difficile chez les 2-3 ans. La particularité de cette réflexion pluridisciplinaire met en relief l’intérêt d’un espace bien pensé pour encadrer un groupe d’enfants en collectivité.

Plusieurs facteurs ont, selon nous, contribué à fragiliser la sécurité émotionnelle de ces jeunes enfants dès leur arrivée chez les bébés. Nous retenons d’une part, un véritable cocktail de situations sociales complexes fait d’une multitude de discontinuités relationnelles et, d’autre part, les aléas de l’institutionnel avec des départs, de l’absentéisme et un système de remplacement discontinu qui n’ont pas permis de soutenir une régularité des adultes comme espéré. De plus, l’accueil de 24 enfants a nécessité une grande implication personnelle pour la construction du lien, étant alors dilué par un grand nombre d’adultes encadrants.

Nous observions beaucoup de comportements défis, une contagion de l’agitation, des enfants inquiets, en manque de repères, sollicitant une attention constante impossible à privilégier. Deux types de conduites ont retenu notre attention. Des enfants dans le retrait et l’inhibition qui mettaient toute leur énergie dans la protection de leur matériel de jeu en s’isolant dans des petits espaces à proximité du regard de l’adulte. D’autres enfants, plutôt agités, enclins au passage à l’acte, dont le plaisir de faire tomber, vider, éparpiller semblait l’emporter sur tout projet plus élaboré.

Au fil du temps, une « situation de travail à flux tendu » «avec les risques d’un épuisement en cascade » (Fracheboud, 2020, p. 51) est venue colorer le quotidien. Nous nous sommes retrouvées devant un véritable enjeu pédagogique pour sortir de cette impasse. Nous avions l’intuition qu’une réflexion autour de l›espace et du matériel de jeu nous permettrait d’améliorer l’encadrement de ce groupe d’enfants, de retrouver un équilibre et du plaisir, de manière visible et concrète. Pour nous aider dans cette démarche, notre psychomotricienne nous a accompagnées au réaménagement de la salle et à la création de conditions favorables à l’émergence de jeux constitutifs de la sécurité intérieure de l’individu.

Situation d’accueil parents-enfants

Nous avons tout d’abord choisi de soigner et d’améliorer la situation d’accueil, car les enfants étaient en difficulté pour s’installer en jeu libre et partager leurs jouets de la maison. Afin de trouver plus de sérénité lors de ce moment, nous avons limité les objets personnels à la lolette et au doudou. Les parents ont été informés des changements proposés et ont donc été tenus pour partenaires dans cette nouvelle gestion.

Afin de soutenir la cohésion d’équipe, de consolider le lien entre la sphère familiale et la sphère institutionnelle, notre psychomotricienne nous a proposé d’abandonner la situation d’accueil en jeu libre pour la transformer en situation éducative structurée ritualisée. Son intention étant de renforcer des repères de continuité dans la séparation. Chaque enfant a dès lors été accueilli autour d’une table et invité à s’asseoir un petit moment devant une boule de pâte à modeler (toujours de la même taille et de la même couleur) préalablement préparée à son intention. Le choix de faire asseoir les enfants avant de partir jouer, avait pour but de les poser un petit moment pour réguler leur tonus et absorber cette transition. La pâte à modeler leur permettait de manipuler avec les doigts (Spinelli et Benchetrit, 2010) une « matière malléable  et d’exprimer par leurs jeux, leurs tensions, inquiétudes et frustrations du moment. De manière intentionnelle, nous avons aussi désigné une place fixe autour de la table pour la personne d’accueil. Cette stabilité permettait une continuité indépendamment de l’adulte présent. Le parent pouvait, quant à lui, s’accroupir à notre hauteur, à côté de son enfant, envelopper la transition et transmettre les informations avant de se séparer. « Je te fais un petit escargot et je te dis au revoir! »

Le sens d’une telle intervention s’est construit dans l’expérience, les enfants faisant preuve de baromètre pour signifier la qualité de leur disponibilité émotionnelle. Nous avons conservé ce rituel d’accueil sur la durée parce qu’il a clairement participé à l’évolution positive du groupe.

Situation de jeu libre

Pour créer un environnement de jeu adapté, sécurisant et favorable aux interactions sociales à l’âge de 2-3 ans, notre psychomotricienne nous a dirigées vers des auteurs qui proposent un « modèle de compréhension systémique, c’est-à-dire qui conçoit une salle de crèche comme un site écologique dans lequel se jouent des interactions complexes entre toutes les composantes » (Fontaine, 2000, p. 53), les enfants, les adultes et les structures matérielles. « Toutes les relations sont réciproques ; l’enfant est loin d’être passif vis-à-vis de l’environnement qu’on lui propose : il sélectionne ce qui lui convient et réagit par divers comportements. On parle d’adéquation environnementale quand l’environnement est un bon support pour les objectifs de ses usagers, leurs buts fonctionnels, leur état psychologique, leurs interactions sociales» (Fontaine, 2000, p. 53).

Nous avions besoin de repenser l’espace de jeu pour mieux soutenir le plaisir, l’autonomie et la dynamique ludique des enfants. Pour ce faire, nous avons effectué un plan de la salle en tenant compte de la surface à disposition, des portes et des déplacements. Nous avons défini quatre zones de jeu spacieuses et identifié des places d’adultes à proximité de sorte à « se donner des moyens corporels d’être présents » (Solioz de Pourtalès et Chabloz, 2019, p. 4). « Un espace psychiquement sécure pour l’enfant est un espace contenu dans la vision périphérique de l’adulte » (Solioz de Pourtalès et Chabloz, 2011, p. 4). L’endroit, la distance et la présence réelle de l’adulte font partie de l’aménagement.

En coconstruction avec notre psychomotricienne et en s’inspirant de nos hypothèses de compréhension respectives autour des besoins de ce groupe à ce moment de son histoire, nous avons créé un coin construction (vert), un coin transvasage (bleu), un coin dînette (violet) et un coin réunion/poupées (rouge).

Chaque zone de jeu a été organisée autour d’un centre de sorte à fluidifier les déplacements des enfants et soutenir leurs comportements amicaux. Ce type d’aménagement agrandit l’espace et permet aux adultes de couvrir par leur regard l’ensemble de la salle. L’idée était aussi de proposer une surface suffisamment grande pour recevoir le corps des enfants dans des mouvements de grande motricité. « Seule l’imitation synchrone les intéresse : faire la même action, en même temps, avec le même objet » (Fontaine, 2017, p. 26). Jouer en bougeant est encore nécessaire dans cette tranche d’âge pour non seulement s’imiter, mais aussi affiner les agilités, mieux gérer les déplacements de leur corps dans l’espace et progressivement intégrer une bonne qualité d’inhibition du geste, prémices aux comportements d’attention et d’écoute.

Nous avons varié spatialement les situations ludiques pour soutenir le jeu individuel, le jeu parallèle et le jeu collectif. Les enfants oscillants entre différents besoins, l’aménagement devait offrir la possibilité de moments sociaux intenses et de moments plus individuels. Les coins ont été pensés pour offrir un matériel de qualité, en bon état, en quantité suffisante avec une priorité pour des jeux semblables. « Les jouets en exemplaires identiques sont, dans la période de 15 à 30 mois, le meilleur support de développement des interactions amicales et donc le meilleur facteur de réduction des conflits » (Fontaine, 2017, p. 27).

Une attention privilégiée sur l’aspect esthétique des coins en fonction des couleurs avait pour objectif de baliser et de soutenir des repères pour clarifier les zones de jeu et préciser le rangement du matériel. Les enfants ont rapidement su où trouver quoi, le rappel à la règle étant plus clair, les rangements s’en sont trouvés facilités. Cette lisibilité de l’environnement est alors devenue connue, prévisible et rassurante pour les enfants. Elle nous apparaît comme étant un outil pédagogique puissant et régulateur de sécurité.

Pour chaque coin, une stabilité sur la durée a été pensée pour répondre aux besoins de répétition des enfants. Il était plutôt question de penser un matériel de jeu polyvalent et de mettre en perspective une progression avec des relances qui viennent compléter le matériel existant, visant ainsi un passage progressif du connu à la nouveauté en toute sécurité. Il était aussi question d’inclure tous les besoins ludiques de manière transversale, en offrant l’opportunité de manipuler pour certains, de créer un jeu symbolique pour d’autres, de sorte que les enfants s’enrichissent mutuellement dans leur développement.

Pour accompagner les enfants dans ce nouvel espace, nous avons soigné la cohérence des interventions éducatives s’assurant ainsi la réussite et l’ancrage de ces changements. « S’ajoute une réflexion sur le rôle de l’adulte lors de sa présence auprès des enfants. Il s’agit de concevoir une fonction contenante pour accompagner les enfants dans leurs jeux. Une cohésion d’équipe devrait être naturellement fonctionnelle et visible dans la coanimation, les adultes se positionnant en complémentarité pour soutenir la dynamique ludique des enfants» (Solioz de Pourtalès et Chabloz 2019, p. 6).

Plan illustrant les quatre zones de jeu et signifiant en jaune les places d’adultes à proximité.

1. Le coin construction (vert)

Après avoir observé la qualité de jeu des enfants, nous avons créé un coin « gros travaux » pour les intéresser à construire/casser, remplir/vider, éparpiller/rassembler, faire rouler, transporter, déplacer, délimiter, imaginer… Disposé au fond de la salle, à proximité d’une rampe, délimité par deux barrières, ce coin était recouvert d’un grand tapis vert. Inspirées par la couleur du tapis, nous avons rassemblé une grande quantité de matériel de même couleur : une douzaine de gros camions, des plaques et des Lego, des contenants de différentes tailles et une grande quantité de bouchons de bouteille en PET. Les petites pièces étant susceptibles de servir à remplir et à vider camions et contenants. Pour créer l’ambiance chantier, nous avons ajouté une douzaine de cônes de signalisation. Au vu de la quantité importante de matériel proposé et pour rendre les rangements intéressants, nous avons disposé une bonne douzaine de petites pelles vertes.

La fascination des jeunes enfants pour les chantiers et les grosses machines n’étant plus à démontrer, le pari ici de les intéresser s’est avéré gagnant dès le début. Proposer un matériel riche et varié en grande quantité a été pensé pour répondre à leurs besoins de manipulation. La possibilité de s’affaler au sol, de déposer le poids du corps pour se détendre et réveiller les appuis est une façon de soigner l’organisation et la représentation du corps dans l’espace. La possibilité de transvaser et d’éprouver le remplir/vider, mais aussi le lâcher/glisser/rattraper fait partie des besoins de jeux sensori-moteurs et participe à la construction d’invariants, si nécessaires à la sécurité affective. « Lorsque l’enfant effectue ces transformations, ces combinaisons dans ses actions ludiques, il cherche à éprouver la continuité, à la fois de lui-même, de l’espace, du temps et des objets, ce qui nous indique que ses expérimentations contribuent à la construction de son sentiment de soi » (Solioz de Pourtalès et Chabloz, 2019, p. 7).

La création de ce coin vert a été très inspirante pour notre équipe qui s’est trouvée stimulée dans son enthousiasme et sa créativité professionnelle. « Proposer quelque chose de vraiment différent de ce que la plupart des enfants ont à la maison, afin que le centre de vie enfantine soit un plus pour eux tous » (Fracheboud, 2020 p. 86).

2. Le coin transvasage (bleu)

A proximité du coin construction, nous avons installé un espace dédié à la manipulation, afin de permettre aux enfants d’éprouver par l’action, le jeu des contenants : remplir/vider, rassembler/éparpiller, consolider les notions de dedans/dehors. Ce coin était organisé en deux zones, l’une sur une grande table bleue pour soutenir l’imitation dans le face-à-face, l’autre sur le plateau du radiateur pensé pour favoriser le jeu parallèle. Sur chacune de ces surfaces, nous avons disposé un banc retourné pour profiter de sa structure en trois bacs distincts afin d’y présenter une grande quantité de bouchons en liège et une variété de récipients bleus.

Dans la continuité de notre réflexion, nous avions besoin que les enfants se recentrent dans des jeux qui mobilisent leur imagination pour gagner en autonomie dans le jeu spontané. L’aménagement d’un coin spacieux et accessible leur assurait, par sa disposition, d’y trouver facilement une place et du matériel pour se mettre à jouer. De plus, en créant un vaste coin transvasage, nous soutenions de véritables activités scientifiques de compréhension du monde si fondamentales à l’acquisition des représentations. « Nous pensons donc d’abord avec nos muscles ! » nous rappelle Berger (1996, p. 80). C’est par l’expérimentation et uniquement par elle que l’enfant accède progressivement à une pensée qui le contient et qui lui permet de s’organiser dans l’espace-temps. Par la répétition, les agilités s’affinent et les inventions se complexifient. Progressivement, à son rythme, chacun est devenu créateur de son intériorité. L’action est venue rassurer les enfants dans leurs perceptions et leur a permis de passer de la manipulation fonctionnelle à l’objet support de l’imaginaire. D’une assiette pleine de bouchons, à un repas de spaghetti sauce tomate ! D’un empilage aléatoire de vaisselle et bouchons à la machine à jus de pomme ! Ce coin a rencontré un vif succès et a permis aux enfants de présenter avec fierté leurs créations.

Ici aussi, le rôle de l’adulte a fait partie de la réflexion pour encourager la cohérence éducative et soutenir le jeu des enfants dans une direction commune. Confortablement installé à proximité, il pouvait réguler les interactions autour du matériel de jeu, mais aussi, reconnaître les inventions et les socialiser. Au fil du temps, les enfants ont pu créer naturellement de jolies combinaisons avec les coins avoisinants.

3. Le coin dînette (violet)

Le coin dînette avait été abandonné, car les enfants l’utilisaient pour grimper, ouvrir et fermer les portes, se cacher et y cacher des objets, remplir et vider le trou de l’évier. En aucun cas, nous y voyions l’émergence d’un jeu construit d’imitation différée. En discutant avec notre psychomotricienne, il nous a paru incontournable de recréer cet espace « dînette » pour soutenir la fonction recherchée du jeu symbolique. Nous avons donc accolé dos à dos deux imposants meubles de dînette au centre de la pièce sur un tapis violet et prolongé ce bloc cuisine par une table et quatre tabourets. Délimitée par une barrière, cette place autour de la table permettait de rassembler quelques enfants dans un lieu plus confiné, protégé des grands mouvements du groupe. Nous avons enrichi le coin avec un matériel de vaisselle de couleur violette faite de récipients variés et d’une quantité de bouchons de yaourt roses.

Pour répondre aux besoins d’exploration encore massifs dans ce groupe, nous avons intentionnellement placé la dînette entre le coin transvasage et l’espace poupées. Les enfants avaient non seulement besoin de renforcer des agilités dans le transvasement mais avaient surtout besoin d’expérimenter les propriétés physiques des objets pour en extraire des invariants. Cette disposition avait aussi pour but d’enrichir les combinaisons et de soutenir une variété de possibilités autour des notions ludiques de « faire comme à la maison ». En jouant des situations autour des besoins physiologiques de faim, soif, repos, les enfants ont pu entrer tout doucement dans cette véritable création du monde intérieur qu’est le jeu symbolique.

La place de l’adulte, anticipée dans l’espace, permettait d’offrir par sa présence une meilleure sécurité affective. Son attention prévenante consistait à réguler les interactions et à distribuer équitablement le matériel pour encourager l’imitation et le jeu partagé. Elle consistait aussi à s’assurer du respect réciproque dans toutes les phases du jeu et du rangement. L’étayage intensif du début a progressivement pu s’estomper au profit d’une autonomie et de situations ludiques toujours plus riches et recherchées.

4. Le coin rassemblement/poupées (rouge)

Pour réunir les enfants, un cercle rouge d’environ deux mètres de diamètre, tracé avec du scotch, était proposé comme structure spatiale. Dans les moments de jeu libre, cet endroit se transformait en coin poupées. Des bassines et des coussins rouges étaient disposés en étoile sur le cercle. Ce matériel avait pour intention de permettre aux enfants de se blottir dans des contenants (se lover, se détendre, s’isoler, se ressourcer) et d’y installer leur poupée (la coucher, la réveiller, la couvrir, lui donner à manger), pour induire un jeu d’aller-retour entre leurs éprouvés corporels et ce qu’ils font vivre à leur poupée. Notre intention d’encourager ce passage de l’expérience vécue à l’expérience représentée avait pour objectif l’émergence du jeu symbolique, véritable création de leur propre pensée, indispensable à la construction de la capacité intrinsèque de se rassurer.

Lors des réunions, installés sur des bancs disposés en U, les enfants étaient constamment en mouvement. Ils nous donnaient l’impression d’être assis sur des ressorts. Probablement trop proches les uns des autres, ils étaient non seulement envahis dans leur espace personnel, mais aussi à l’affût de l’attention de l’adulte. Notre psychomotricienne a proposé d’asseoir les enfants au sol sur le cercle parce qu’il régule naturellement les distances interpersonnelles et qu’il soutient le sentiment d’appartenance. Atteindre un tel objectif a nécessité d’accompagner les enfants dans l’acquisition d’une position assise stable et durable en tailleur. Leur apprendre à rassembler leur corps, à s’installer sur leurs ischions et à charpenter leur tonus postural a permis de soutenir le renforcement de la musculature profonde et de l’axe vertical, si nécessaire aux comportements d’attention.

Avoir dans l’aménagement un lieu central pour rassembler les enfants est devenu un véritable outil pédagogique pour encadrer la dynamique de groupe, sortir des interventions disciplinaires, et soutenir la cohésion. A la différence d’une réunion traditionnelle, nous avons travaillé le rassemblement pour accompagner tous les moments de désorganisation émotionnelle au fil de la journée ; que ce soit un accident, un passage à l’acte, une crise ou une grosse émotion. L’intention d’arrêter le cours d’un événement pour soigner et mettre des mots sur ce qui était vécu concrètement par les enfants, cherchait à leur éviter de subir un stress émotionnel diffus et de rester seul dans la détresse. Etre accueilli, reconnu et entendu dans sa souffrance, soutenu pour se réorganiser dans l’émotion, était ici proposé comme moyen pour sortir de l’égocentrisme et encourager l’empathie. Pour encadrer ces moments de rassemblements et pour garantir une continuité du lien, indépendamment des fluctuations de notre équipe éducative, l’animateur s’asseyait en tailleur, toujours au même endroit sur le cercle de sorte à tenir dans sa vision le groupe dans son ensemble. Les autres adultes présents étaient invités à s’installer à l’extérieur du cercle pour envelopper les enfants. Cette pratique est devenue une véritable ressource pour apprendre à vivre ensemble.

Conclusion

Une gestion spatiale bien pensée, renforce la cohérence des adultes dans leur fonction d’encadrement et offre aux enfants un lieu de vie qui leur permet d’éprouver cette continuité si nécessaire à la construction de leur sécurité intérieure. Avoir expérimenté le bien-fondé d’une telle réflexion en équipe a mis en évidence l’importance de cette anticipation pour soutenir un discours commun, participer à un même objectif et trouver cet axe de cohérence pour cohabiter ensemble. Nous regrettons que ce point soit parfois un peu trop « délaissé » dans les institutions de la petite enfance.

La bienveillance de l’accompagnement a restitué notre confiance, redonné du sens à notre profession et autorisé l’équipe à agir sur son territoire sans peur de se « tromper » ou de perdre le « contrôle ». Il n’était plus question de se focaliser sur des attentes normées en ­fonction de la tranche d’âge mais bien de pouvoir prendre de la distance, d’observer et de mettre en perspective des étapes de progression en fonction de leur développement. Partir de ce que les enfants font spontanément nous a guidées pour leur proposer des jeux ajustés à leurs besoins d’explorations et de découvertes inhérentes à l’émergence du jeu symbolique. Cette élaboration nous a permis d’éviter une stigmatisation précoce des enfants et a soutenu de nouvelles perspectives dans notre pratique réflexive en incluant la dimension psychomotrice de l’individu.

Cette réponse par la gestion spatiale a été un véritable tremplin et une porte d’entrée pour nous remettre en mouvement. Notre équipe avait besoin d’outils concrets et d’objectifs réalistes pour sortir de l’impasse et encadrer les enfants vers une progression favorable à leur épanouissement. Nous sommes passées d’une dynamique tension-compétition pour attirer l’attention de l’adulte à une dynamique plus solidaire faite d’échanges, de plaisir partagé, d’écoute et de dialogue. Les interventions disciplinaires ont diminué, les repères et les règles de vie soutenues par l’aménagement de l’espace ont contribué à rendre le climat plus propice au respect. Petit à petit, notre équipe a pu sortir de l’épuisement, retrouver du courage et lâcher la pression. Les enfants sont devenus de réels partenaires pour faire évoluer les coins à travers des combinaisons ludiques toujours plus complexes, nous signifiant ainsi leur progression et la reprise évolutive d’une dynamique favorable à leur développement global. Nous nous sommes appropriées ce nouvel outil, à tel point qu’il nous a paru incontournable de reconstituer à l’identique, pour le passage chez les 3-4 ans, l’organisation spatiale et le rituel d’accueil. Cette prise de conscience a non seulement participé à un véritable processus de résilience, consolidé d’ailleurs par l’écriture de cet article, mais aussi encouragé la créativité de tou·te·s et consolidé l’élaboration d’un cercle vertueux retrouvé. La qualité de ce climat apaisé est toutefois restée fluctuante et a mérité toute notre attention jusqu’à la fin de l’année. La sécurité affective, c’est à gagner tous les jours !

Bibliographie

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