Le 129 esquissé

Le dossier

Le Berre a écrit un roman à hauteur des yeux d’une fille d’une dizaine d’années. Cette gamine, à l’intelligence vive, entend sa mère dire des bêtises racistes, et elle n’aime pas ça. Sa grand-mère perd un peu la tête, mais elle se rappelle son pays d’avant, sa maison d’antan et sa langue maternelle. Toutes les histoires familiales sont ponctuées de rencontres hospitalières et d’hostilités ordinaires.

Zogmal, dont  la patience s’est un peu émoussée devant la léthargie politique, remarque que, suivant que l’on habite une ville progressiste ou une cité conservatrice, la situation parentale n’est pas comparable. L’accueil des enfants dépend prioritairement de la situation économique des parents, et ce n’est pas un signe d’hospitalité.

Kühni (K.) se prétend hospitalière, comme toutes ses collègues. Au fil de son texte, on discerne quelques pratiques hostiles. Elles sont le fait de professionnel∙le∙s qui ont renoncé à une haute opinion du métier et de convulsions gestionnaires. Personne n’est dupe, mais personne n’a la force de dire haut et fort que c’en est assez.

Fracheboud, elle aussi, s’agace de la primauté accordée à cette conciliation vie familiale-travail productif, parce que c’est sous cet argument que se cache la toute-puissance économique. Tout le monde chante la grandeur de l’enfance, mais les enfants de ceux et celles qui bossent continuent de valoir plus que les autres. Toutes les recherches contemporaines prouvent à longueur d’enquêtes que les IPE travaillent à l’égalité des chances, rien n’y fait.

Vionnier a lu la Convention des droits de l’enfant, et elle n’accepte pas que les pratiques helvétiques avec les enfants d’ailleurs en soient si éloignées. Elle a aussi une dent féroce contre cette primauté des arguments économiques quant aux conditions d’accueil des enfants dans les IPE. Il semble que ces mensonges politiques ne nuisent pas encore aux installé∙e∙s dans les fauteuils du pouvoir.

Le Collectif R en rajoute une couche en montrant que, quand il s’agit d’étrangers, l’enfance des droits s’efface derrière la légalité du séjour.

La Rémige nous rappelle que, si l’hospitalité reste un principe presque universel, elle est souvent le territoire de pratiques très inégalitaires. Qui donc est l’hôte de cet enfant ? L’Etat, la garderie ou l’éducatrice ? L’importance que l’on est capable d’accorder à cet accueil dit quelque chose du monde que nous désirons.

Faire & Penser

Blanchet et Ducommun se sont intéressées aux représentations enfantines du monde professionnel. A la suite de Lignier et Pagis, elles nous montrent combien les enfants structurent leur compréhension des hiérarchies sociales et se projettent dans un futur adulte. Les propos d’enfants qui parsèment leur texte valent leur pesant d’or de drôlerie et d’intelligence.

Chercher & Travailler

Bonnard, Bressan et Vaucher ont commis une erreur (que nous n’avons pas vue) dans le numéro 128. Elles la corrigent dans cet erratum et complètent leur bibliographie. Il y a des rigueurs démonstratives et des exigences salutaires.

Dire & Lire

Durler a lu Odier qui, elle, a lu Foucault. Le terrain de recherche c’est l’Ecole des parents genevoise. Comment donc cette institution largement subventionnée par l’Etat produit-elle du conseil aux parents ? Au nom de quelle normalité ? Entre 1950 et 2010, il est assez amusant de voir que la figure parentale prend quelques virages serrés.

Fracheboud a une vieille tendresse pour Tomi Ungerer et ses brigands. Quand cet homme commet un livre de philosophie destiné aux enfants, mais largement lu par des parents, elle s’en saisit. Entre le potage et les devoirs scolaires, le babil familial devient très vivant. Feu Ungerer est, une fois de plus, à la hauteur de sa réputation de fauteur de troubles.

Cherubini a vu et revu La tortue rouge. C’est un film d’animation sans mot, c’est une histoire avec des trous que chacun∙e comble avec des incertitudes. Le sens s’échappe entre les séquences pour fabriquer de l’attention créative. Les images sont belles et nous tiennent étrangement éveillé∙e∙s jusqu’à la fin qui n’en est pas une. Tout le contraire de la soupe habituelle, mais cet homme et cette femme auront un étrange enfant… 

Jacques Kühni

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