Chemin faisant… les enjeux d’une mobilité piétonne indépendante pour les enfants du primaire

Parler de mobilité piétonne indépendante, c’est rendre compte de la circulation des enfants dans l’espace urbain, mais également dans les espaces du quotidien. Sous cet aspect, elle souligne, outre les déplacements physiques, les transitions d’un univers symbolique[1] à un autre, univers caractérisés par des règles, des valeurs, des relations et des codes organisant le vivre ensemble. En ce sens, les espaces du quotidien sont aussi des espaces de socialisation impliquant une intériorisation et une appropriation de normes permettant de se situer et d’être situé·e. La mobilité piétonne constitue donc un enjeu, en termes de sécurité et en regard des apprentissages et des usages qui y sont liés. Si les déplacements et la liberté de mouvement qu’ils procurent vont, en effet, de pair avec des problèmes de sécurité, ils contribuent néanmoins à construire ce que Kaufmann et Widmer (2005) appellent un capital de mobilité. Ils participent, par conséquent, au développement de l’autonomie des enfants.

La circulation des enfants dans la ville met ainsi en exergue la complexité des facteurs à prendre en considération dès lors que les buts éducatifs poursuivis visent, dans un même mouvement, à favoriser leur autonomie et à assurer leur sécurité. Si l’éducation routière et la prévention sont incontournables, le « permis piéton »[2] peut être envisagé comme une forme de passeport et/ou de visa autorisant « sous surveillance » le passage de frontières physiques, sociales et symboliques[3]. A ce titre, il n’est pas dépourvu d’enjeux, que ce soit en termes d’évaluation des compétences enfantines, d’accès à une forme d’indépendance et de liberté pour tous et toutes, d’appartenance au groupe de pair·e·s, d’acquisition d’un capital de mobilité, de gestion des risques ou encore de collaboration avec les parents et l’école.

Penser la circulation des enfants dans l’espace urbain : de la complexité d’un phénomène ordinaire

Le chemin de l’école et/ou les trajets effectués par les enfants, que ce soit seul·e·s ou accompagné·e·s, relèvent d’une préoccupation enfantine, parentale, professionnelle et politique. En effet, bien que les déplacements puissent apparaître comme un phénomène banal tant ils sont ancrés dans le quotidien, ils font appel à des compétences et à des connaissances à acquérir pour les enfants et soulèvent des craintes en matière de sécurité de la part des adultes. L’analyse des trajets entre le domicile et l’école, entre l’école et l’APEMS ou encore entre l’APEMS et le domicile suppose de prendre en considération de multiples facteurs dont les fonctions et les usages des espaces traversés, les règles et le code de la route, les relations et les interactions, la densité de la circulation routière, les risques mais aussi les peurs, celles des enfants et celles des adultes qui les entourent. En ce sens, la mobilité piétonne des enfants, en tant qu’objet d’étude, se situe au carrefour de différentes perspectives et disciplines (Depeau, 2010).

Selon cette auteure, du point de vue des géographes, le chemin de l’école s’inscrit dans une logique de flux et comprend une analyse des fonctions de l’espace urbain et des usages spécifiques qui en sont faits. Les routes, par exemple, sont prioritairement dévolues aux moyens de transport tels que les vélos, les bus ou encore les voitures, alors que les trottoirs sont consacrés à la déambulation piétonne. Néanmoins, les usagers et les usagères, automobilistes ou chauffeurs, cyclistes et piéton·ne·s se rencontrent à des points d’intersection représentés par les feux et les passages piétons. Les usages sont donc codifiés et réglementés et impliquent, de facto, un apprentissage dont, notamment, le code de la route.

En termes de planification urbaine[4], les trajets à pied dépendent de l’aménagement du territoire et renvoient à la sécurité des habitant·e·s. Autrement dit, pour les autorités municipales, il s’agit de gérer les flux, d’analyser les points sensibles, d’établir des règles (vitesse, autorisation de passage, sens de la circulation, etc.) et d’assurer la sécurité par l’installation de voies réservées, de feux et/ou de passages piétons. Ce faisant, les autorités locales, par l’action entreprise sur l’espace urbain, organisent la place de chacun·e dans l’espace urbain et opèrent des choix. Sous cet aspect, Lausanne, en tant que « ville amie des enfants »[5], est sensible au point de vue des plus jeunes et à leurs perceptions de l’espace urbain. Reste que, l’essentiel de l’action politique porte sur la prévention de la sécurité routière, sur des aménagements visant à ce que l’enfant puisse voir et être vu (Police de Lausanne, 2012), et sur une réduction de la vitesse autorisée dans les quartiers d’habitat pour autant qu’ils ne relèvent pas de zones de transit. La logique consiste prioritairement à réduire le nombre d’accidents en privilégiant la convivialité sans forcément modifier les fonctions et les usages du territoire urbain.

Dans cette perspective, les usages sont tributaires de l’espace construit, espace qui, du point de vue de l’ethnologie, fait référence non seulement à l’organisation et aux fonctions, mais également aux habitudes, aux règles du vivre ensemble et à la somme des interactions qui lui donnent un sens. A ce titre, le chemin de l’école constitue un véritable espace de socialisation dans la mesure où il suppose l’intégration de règles, l’appropriation physique, affective et mentale du parcours, la formation d’habitudes, des découvertes et des interactions. L’espace urbain et l’expérience de la mobilité confrontent les enfants à l’inconnu au double sens d’une exploration de l’espace et de la relation avec autrui. Les fonctionnalités de l’environnement construit, les relations et la temporalité construisent ainsi les perceptions du parcours à effectuer et, par conséquent, l’expérience vécue. En effet, l’appréciation du trajet est tributaire des facilités versus des difficultés ressenties, des repères balisant le parcours, de la présence ou de l’absence de pairs et de la contrainte temporelle qui y est associée. En d’autres termes, le chemin de l’école suppose une maîtrise de l’espace et de ses fonctionnalités, des règles formelles (code de la route, sécurité, horaires, etc.) et informelles (codes d’interaction et de comportement entre pairs, règles de politesse, etc.), des relations, de la distance et du temps.

Enfin, d’un point de vue psychologique, le chemin de l’école souligne les dimensions physiques, cognitives et affectives inhérentes à l’appropriation du trajet et rend compte des apprentissages liés aux rapports que les enfants entretiennent à l’espace (Depeau, 2010, Granié, 2018). A ce propos, les cartes mentales illustrent la manière dont les plus jeunes structurent cognitivement leurs expériences.

Penser le chemin de l’école renvoie donc à une pluralité de perspectives et de dimensions soulignant la complexité des activités ordinaires. Bien que la sécurité soit un élément central, les enjeux liés à la mobilité piétonne des enfants ne peuvent pourtant pas être réduits à une analyse des risques.

La mobilité quotidienne : un espace-temps socialisé et socialisant

Les trajets à pied, qu’ils soient indépendants ou accompagnés, sont des espaces-temps non dénués de règles que ces dernières soient relatives à la sécurité ou aux comportements en général. Marcher dans la rue, traverser la route, se rendre à l’école, à l’APEMS ou encore rentrer chez soi sont autant de trajets qui s’inscrivent dans un contexte social et normatif où les attentes en termes de rôles tenus et à tenir contribuent à s’ajuster aux autres usagers et usagères de la route, à s’approprier l’espace et à juger de l’adéquation comportementale de chacun·e. Si les déplacements indépendants offrent des interstices de liberté de mouvement, l’accès à de nouveaux lieux et à de nouvelles interactions, ils contribuent également à l’acquisition d’une compétence : la motilité (Depeau, 2008). Le concept de motilité que Depeau emprunte à Kaufmann et Widmer renvoie à « la manière dont un individu ou un groupe fait sien le champ du possible en matière de mobilité et en fait usage » (2005, p. 200). Cette compétence est tributaire de l’accès à la mobilité, de l’acquisition de savoir-faire ainsi que de l’élaboration d’habitudes et de stratégies permettant de s’approprier les possibilités de déplacement (2005, p. 201). En d’autres termes, par leurs déplacements indépendants, les enfants se construisent un rapport à l’environnement et aux autres. Ils acquièrent des connaissances sur le fonctionnement routier, se forgent des représentations sur leur position et leur statut en regard des autres usagers et usagères de cet espace spécifique. En ce sens, la mobilité piétonne indépendante est tout à la fois une pratique socialisée et un parcours socialisant.

Cheminer dans la ville : une incontournable socialisation au risque

La socialisation au risque inhérente à la mobilité piétonne, révèle, selon Granié (2010, p. 93), une double acculturation se traduisant par un apprentissage et une intériorisation des normes institutionnelles et par une appropriation des normes sociales relatives au rôle de piéton·ne. Granié distingue donc les normes institutionnelles de rôle liées au code de la route et au statut de piéton·ne dans l’espace routier et les normes sociales de rôle rattachées aux habitudes et aux comportements réguliers des autres usagers et usagères. Or, ces deux ensembles de normes, comme l’auteure le démontre, ne sont pas forcément congruents, les ­individus prenant quelques libertés en regard du code de la route. En ce sens, un comportement identifié comme normal, soit correspondant aux attentes sociales, n’est pas forcément un comportement respectueux des lois. De fait, les enfants repèrent les usages et généralisent leurs constats aux groupes sociaux présents dans l’espace routier. Ainsi, traverser à l’orange ou au rouge du moment qu’il n’y a pas de véhicules apparaît comme parfaitement normal et adapté. Ce constat met en évidence la conjugaison de facteurs intervenant dans l’appréhension des risques par les enfants. Leur évaluation du danger potentiel fait, en effet, appel à la connaissance des règles formelles (dimension cognitive), à leurs représentations de leur position et de leur statut dans l’espace routier en regard d’autrui (dimension sociale), aux relations et aux interactions avec leur environnement physique et social (dimension relationnelle) ainsi qu’à ce qu’ils vivent et expérimentent chemin faisant (dimension affective).

Sous ce dernier aspect, les enfants, selon Granié (2018), apprécient les trajets à l’aune des émotions positives ou négatives qu’ils leur procurent. Il semble, ainsi, que la familiarité du lieu, l’ambiance, l’effort, la contrainte versus la liberté de mouvement et la présence d’ami·e·s jouent sur leurs perceptions de l’espace et des déplacements souvent balisés par des repères affectifs. L’expérimentation enfantine du parcours est d’abord physique, le vécu corporel configurant les perceptions et les représentations et, partant, sur le sentiment de sécurité et/ou d’insécurité. Etre seul·e, devoir se dépêcher, notamment le matin, le bruit, la circulation et les flux, l’absence d’aménagements, la difficulté du trajet sont autant d’aspects accentuant la peur et/ou le stress générés par la mobilité indépendante. A contrario, la présence de pairs contribue au sentiment de sécurité dans la mesure où, grâce au groupe et au fait d’être plusieurs, les enfants se sentent protégé·e·s, ont l’impression d’être plus visibles et ont moins peur de faire de mauvaises rencontres (Granié, 2018).

L’autonomie, ce n’est pas que « faire seul·e »

Si l’autorisation d’effectuer les trajets seul·e·s du domicile à l’école ou à l’APEMS peut être vue comme une responsabilisation des enfants qui doivent alors faire la preuve de leur respect des règles institutionnelles et sociales, elle est aussi une reconnaissance de leurs compétences et participe, de ce fait, à la valorisation de soi. Ceci dit, dans le cas de la mobilité piétonne indépendante, « faire seul·e » ou être seul·e n’est pas nécessairement un gage d’autonomie. En effet, la liberté de mouvement et le plaisir qui y est associé sont tributaires du sentiment de sécurité d’une part et du partage d’expériences communes d’autre part. A ce titre, les pair·e·s jouent un rôle non négligeable dans l’appropriation de l’espace routier et dans le soutien qu’elles et ils procurent en termes d’exploration de l’environnement physique (Depeau, 2008). Dès lors, le groupe de pair·e·s contribue à l’acquisition d’un capital de mobilité et, par conséquent, de ressources favorisant une autonomie environnementale sous réserve, bien entendu, d’y être intégré·e·s.

Outre les enjeux d’intégration et d’exclusion propres au fonctionnement des groupes, la présence des pair·e·s, bien que perçue par les enfants comme sécurisante, augmente les prises de risques et génère une moindre attention au trafic routier (Granié, 2018). Dès lors, comment tout à la fois favoriser les sociabilités enfantines, le soutien du groupe, la mise à disposition d’un temps consacré à l’entre-soi et assurer la sécurité physique et affective des enfants ? Sous cet aspect, le permis piéton est un outil intéressant dans la mesure où il conjugue, par la collaboration étroite qu’il suppose entre les enfants, les parents et les professionnel·le·s, la prise en compte de tous les acteurs et de toutes les actrices impliqué·e·s et soutient ainsi une analyse concertée des avantages et des risques.

Le permis piéton : un visa pour l’espace routier ?

Si les déplacements des enfants pendant la journée mettent en exergue des transitions, des passages de frontières physiques, sociales et symboliques entre des lieux de vie distincts, alors le « permis piéton »[6] s’apparente à un visa, soit une autorisation d’entrées et de sorties autonomes de territoires institutionnellement définis. Sous cet aspect, le permis – au double sens de ce qui est autorisé et de ce qui atteste d’une compétence – symbolise un passage d’un univers à l’autre, mais également d’un état (ou d’un statut) à un autre. En effet, le permis n’est pas octroyé d’emblée, pour l’obtenir, il faut remplir des conditions : être en 3P (degré HarmoS), respecter les règles institutionnelles (code de la route notamment), faire preuve de « bonne conduite » (respect des normes sociales, comportement adéquat) et faire la preuve de ses compétences (permis provisoire).

Or, les frontières bien qu’ouvertes demeurent surveillées. Elles peuvent donc faire l’objet d’un contrôle par des gardes-frontières, rôle qui, dans ce cas précis, est tenu par les professionnel·le·s d’un côté et par les enfants de l’autre. Le permis va donc de pair avec une responsabilité et une responsabilisation de soi et d’autrui. Sous cet aspect, les enfants ont la possibilité de dénoncer les contrevenant·e·s et un retrait de permis n’est pas exclu. Or, la dénonciation n’est pas sans poser un dilemme éthique. Il s’agit pour les enfants soit de correspondre aux attentes des adultes et de faire part de ce qu’elles et ils ont vu, soit de privilégier la solidarité entre pair·e·s et de se taire. Quelle que soit la décision prise, dénoncer ou ne rien dire, chacun·e devra faire avec les conséquences générées par son choix. Ajoutons encore que, symboliquement, le retrait du permis représente plus qu’une interdiction de circuler dans l’espace routier et urbain sans accompagnement, il marque, en effet, une perte de statut. Il signifie, de facto, une restriction de la liberté de mouvement dès lors que les frontières ne peuvent plus être franchies en l’absence d’un·e professionnel·le.

Le permis piéton a donc, outre la valorisation de soi et le soutien à l’autonomie, une haute valeur symbolique. L’obtenir rend compte non seulement d’une reconnaissance de soi et de ses compétences mais, à l’instar du visa et du passeport, il octroie un statut (être un·e piéton·ne indépendant·e, être grand·e) et une autorisation d’entrées et de sorties, d’exploration de l’environnement proche, d’expériences partagées dans un entre-soi enfantin. Car, en effet, les enfants ne se déplacent jamais seul·e·s, mais par groupe de deux, trois, voire quatre. Ne pas l’obtenir ou se le voir retirer constitue, en ce sens, une forme d’exclusion quand bien même les raisons présidant à l’attribution et/ou au retrait sont justifiables et justifiées (notamment du point de vue de la sécurité des enfants en question).

Si la métaphore de la frontière rend compte des accès à des territoires et le passage géographique d’un lieu à l’autre, elle permet aussi de penser qui et ce qui circule, ainsi que ce qui relie ou sépare les univers que les enfants traversent et investissent. En ce sens, le permis piéton comporte l’avantage de créer des ponts, de mettre en discussion la question d’une mobilité piétonne indépendante dès l’âge de 6 ans et de contribuer à la collaboration entre l’école, l’APEMS, les parents et les enfants. De ce fait, il « socialise » les risques et favorise l’engagement de tous les acteurs et les actrices concerné·e·s. Reste néanmoins que cet outil pédagogique, parce qu’il atteste d’une compétence et d’un statut, pose la question de l’inclusion[7] et de la régulation des inégalités d’accès ou d’acquisition des compétences requises pour son obtention. En effet, le permis piéton s’apparente à un rite d’institution (Bourdieu, 1982[8]) marquant une séparation entre celles et ceux qui y ont accès et celles et ceux qui ne sont pas éligibles, en l’occurrence les enfants présentant des « faiblesses » cognitives, sociales ou encore physiques.

Transiter ensemble pour se sentir en sécurité, appartenir et prendre des risques

Dans l’état actuel des aménagements urbains et de leurs fonctionnalités, la liberté de mouvement et de déplacement associée aux trajets que les enfants font sans accompagnement des adultes implique de facto un problème de sécurité. Néanmoins n’y voir que les risques serait simplificateur et probablement erroné du point de vue de l’acquisition de connaissances, de compétences, d’expérimentation et d’expériences participant pleinement à la construction de soi. En effet, les déplacements indépendants, notamment à plusieurs, constituent des interstices temporels riches en apprentissages et en interactions. Ils contribuent à construire un temps propre à l’enfance par le partage de moments et d’expériences communes. Ces temps interstitiels permettent de se situer et de se construire comme sujet dans le rapport à autrui, les pairs, les adultes et/ou les autres usagers et usagères de l’espace routier.

Dans cette perspective, les déplacements favorisent une appropriation et une maîtrise progressive de l’environnement pour lesquelles les pair·e·s sont important·e·s. D’une part, les ami·e·s et les camarades accentuent le sentiment de sécurité sur les trajets familiers et, d’autre part, elles et ils encouragent l’exploration de l’espace urbain. A ce titre, les pair·e·s ont un rôle clé dans l’acquisition progressive d’une autonomie environnementale associée tout à la fois aux activités effectives des enfants et à la manière dont ces derniers et ces dernières évaluent leurs compétences en termes de déplacement. En ce sens, les pair·e·s contribuent activement à la constitution d’un capital de mobilité. Ceci dit, si être ensemble est un gage de sécurité et un encouragement à l’exploration, c’est également un facteur de risque dans la mesure où le fait d’être en groupe génère une moindre attention aux dangers et une prise de distance plus ou moins intentionnelle avec les règles de sécurité routière. Dès lors, il s’agit bien d’arbitrer, en tant que professionnel·le·s, entre soutenir l’autonomie des enfants en acceptant la prise de risque inhérente à leur mobilité piétonne indépendante et assurer leur sécurité.

Dominique Golay

 

[1]-La famille, l’école, l’accueil des écoliers en dehors des temps scolaires, l’espace urbain sont des univers symboliques, soit des systèmes ou mondes sociaux constitués de relations et d’interactions mais également de valeurs, de croyances, de dimensions idéologiques et culturelles qui forgent tout à la fois l’expérience qui en est faite et les représentations que les individus en ont. A ce titre, ce sont des univers chargés de sens.

[2]-Le permis piéton dont il est question ici est un outil pédagogique pensé et élaboré par un Accueil pour enfants en milieu scolaire (APEMS) d’un quartier du centre de Lausanne. Il est délivré aux enfants jugé·e·s aptes à faire le chemin de l’école sans être accompagné·e·s d’un·e adulte. Le permis piéton est donc une autorisation de déplacement indépendant accordée aux enfants selon des règles d’attribution élaborées par l’équipe éducative en partenariat avec les enfants et leurs parents.

[3]-L’usage de la métaphore de la frontière permet de penser la mobilité piétonne des enfants comme un passage, une transition entre des territoires institutionnels impliquant un déplacement physique, des rapports sociaux ainsi qu’une représentation des limites entre un dedans et un dehors donnant sens à l’expérience vécue.

[4]-Les décisions et les actions politiques relèvent des politiques communales relatives à l’aménagement du territoire, au service des routes et de la mobilité ainsi que de campagnes de prévention routière mises en œuvre, notamment, par l’observatoire de la mobilité à Lausanne.

[5]-Ce label est une initiative de l’UNICEF qui rend compte du degré d’adaptation de la ville aux enfants en regard de « leurs droits à la protection, à l’encouragement, à l’égalité et à la participation » (UNICEF, 2004). Lausanne a obtenu ce label en 2012, label qui a été renouvelé en 2018.

[6]-Les informations relatives au permis piéton sont issues de la réflexion menée à l’APEMS A en vue de favoriser une mobilité piétonne indépendante des enfants accueillis. Le permis piéton et sa logique pédagogique ont été présentés par Alexandra D’Auriol et Wincenne Taboada lors de la journée d’étude intitulée « Accueil pour les enfants en milieu scolaire (APEMS) : entre inclusion et professionnalisation » qui a eu lieu en mai 2019 à la HETSL. Ceci dit, l’analyse qui en est faite dans cet article n’a pas pu être discutée avec les deux intervenantes.

[7]-L’inclusion fait référence ici à une orientation pédagogique favorisant la participation sociale de tous et toutes, y compris des publics fragilisés, par une action sur le milieu. A titre d’exemple, le concept 360° relatif à l’institution scolaire définit l’école à visée inclusive comme une «approche visant à adapter les systèmes éducatifs et les facteurs environnementaux liés à lapprentissage pour quils puissent offrir une réponse adaptée à tous les élèves y compris ceux susceptibles d’être fragilisés» (Canton de Vaud, 2019, p. 1).

[8]-Dans son article, Bourdieu (1982) montre comment le rite va de paire avec l’institution d’une identité ou d’un statut. Se voir assigner une compétence, dans ce sens, c’est se voir imposer un droit d’être qui est aussi un devoir être.

Bibliographie

Bourdieu, Pierre (1982). « Les rites comme actes d’institution ». Actes de la recherche en sciences sociales N°43, pp. 58-63.

Canton de Vaud (2019). Concept 360°. Lausanne, Département de la formation, de la jeunesse et de la culture.

Danic, Isabelle ; David, Olivier et Depeau, Sandrine (dir.) (2010). Enfants et jeunes dans les espaces du quotidien. Rennes, Presses universitaires de Rennes.

Depeau, Sandrine (2008). « Radioscopie des territoires de la mobilité des enfants en milieu urbain. Comparaison entre Paris intra-muros et banlieue parisienne. » Enfances, Familles, Générations N°8.

Granié, Marie-Axelle ; Varet, Florent et Torres, Juan (2018). « Les trajets à pied comme temps et objets de socialisation. » Le sujet dans la cité, vol. 1, N°7, pp. 73-86.

Granié, Marie-Axelle (2010). « Socialisation au risque et construction sociale des comportements de l’enfant piéton : éléments de réflexion pour l’éducation routière. » Enfances, Familles, Générations N°12, pp. 88-110.

Kaufmann, Vincent et Widmer, Eric (2005). « L’acquisition de la motilité au sein des familles. » Espaces et sociétés N°120-121, pp. 199-217.

Police de Lausanne (2012). Les enfants et la route. Lausanne, prévention routière.

UNICEF (2004). «Commune amie des enfants». Récupéré de https ://www.unicef.ch/fr/notre-travail/suisse-liechtenstein/commune-amie-des-enfants

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