Parents, professionnels et enfants, au(x) risque(s) de la continuité

Par la loi du 8 juillet 2013 et son rapport annexé, le Ministère de l’éducation nationale français se donne pour objectif de refonder une école sereine et citoyenne en redynamisant la vie scolaire et en promouvant un cadre bienveillant. Cet intérêt pour le bien-être des élèves à l’école a pour objectif de favoriser la réussite scolaire des élèves, leur qualité de vie globale, leur développement et de permettre une trajectoire de vie émancipatrice. Les stratégies pour améliorer le climat scolaire doivent s’inscrire dans le quotidien de l’école, impliquer tous les acteurs de la communauté éducative (élèves, parents et l’ensemble des personnels) et valoriser la qualité des relations entre enfants et adultes et les relations entre enfants. Pour réussir, le système scolaire français a fait de la recherche de continuité éducative et pédagogique un élément fort de ses politiques éducatives.

Le partage du processus éducatif

Ainsi, nous voudrions montrer dans notre contribution, qu’il existe une dialectique au cœur du processus éducatif et que cette dialectique est celle de la continuité et de la rupture. Ce débat est d’autant plus fort aujourd’hui que le contexte éducatif oblige les différents acteurs de l’éducation, professionnels et familles, à repenser le partage du processus éducatif.

D’un côté, il y a ceux qui considèrent que le temps dans l’école est l’affaire des enseignants pour instruire, le temps dans la famille est celui des parents pour éduquer et que les autres temps, à visée occupationnelle, sont ceux d’intervenants aux multiples statuts et aux niveaux de qualification hétérogènes. Pour les tenants de cette conception de l’éducation, les intervenants éducatifs en périphérie de l’école et de la famille jouent un rôle secondaire dans le processus de transmission. Leur rôle consiste à occuper les enfants sans véritables objectifs éducatifs.

De l’autre côté, ceux qui pensent que l’éducation est « une ». Les tenants de cette conception considèrent que l’éducation est possible grâce à la complémentarité et la cohérence du processus éducatif dans son ensemble. Dit autrement, l’ensemble des acteurs éducatifs ont tous intérêt à transmettre, éduquer, prendre soin des enfants en proposant des activités pédagogiques et éducatives se complétant et permettant aux enfants de grandir correctement. C’est le sens aujourd’hui de l’expression de « réussite éducative » remplaçant depuis 2013, en France, celle de réussite scolaire. Avec la réussite éducative (Glasman, 2010), il s’agit pour les élèves de réussir scolairement mais pas seulement. Ils doivent pouvoir réussir dans toutes les sphères de leur vie sociale et se projeter dans l’avenir comme futur citoyen. C’est aussi notre avis.

Mais ces deux conceptions, dont le choix de les présenter ainsi est assez réducteur, soulèvent les questions récurrentes du rôle, et de la fonction, des professionnels de l’éducation et de celui des parents. A l’école, les élèves vivent avec une multitude d’adultes, professionnels de l’éducation ou intervenants occasionnels, aux professionnalités et aux objectifs différents. Les normes scolaires s’entrechoquent alors parfois avec celles du secteur de l’animation socioéducative. A titre d’illustration, nous avons plusieurs fois rencontré des enseignants qui se plaignaient que les intervenants ne demandaient pas aux élèves de se ranger en colonne par deux avant d’entrer dans les salles d’activités et des intervenants qui s’étonnaient du peu d’intérêt des enseignants pour le bien-être des élèves. Dans des travaux de recherche antérieurs, nous avions montré la nécessité de repenser le partage de l’autorité éducative, en raison de la mise en œuvre de mécanismes de négociation entre les parents et les enseignants concernant la scolarité des enfants ; chacun acceptant de mettre de côté ses convictions pour que l’autre réponde positivement à ses demandes (Dejaiffe, 2010).

Mais avant, pour mieux se comprendre, précisons les expressions utilisées.

Continuité pédagogique et continuité éducative

Depuis quelques années, le terme de « continuité » est fréquemment utilisé par les décideurs de l’éducation pour désigner la nécessité de pratiques éducatives et pédagogiques communes entre les principaux acteurs éducatifs. Parents, enseignants, animateurs périscolaires, travailleurs sociaux, professionnels de la petite enfance reçoivent ainsi une injonction institutionnelle, d’une part, de travailler ensemble et, d’autre part, d’agir de la même manière ou presque. Dans le récent numéro de la revue des Cahiers Pédagogiques (juillet 2020, N° 327), par une tribune, Béatrice Kammerer explique qu’en France, le concept de « continuité pédagogique » a été introduit par la circulaire du 28 février 2020 (paru le 5 mars dans le Bulletin officiel), et se traduit « d’une part, par la continuité des apprentissages et, d’autre part, par le maintien de contacts humains entre les élèves et les professeurs » (p. 8). Plus tôt, la loi de refondation de l’école de 2013 instaure un conseil école-collège regroupant les enseignants du 1er et du 2e degré d’enseignement pour favoriser les échanges de pratiques entre enseignants. Cette loi modifie les cycles d’enseignement pour « éviter les transitions brutales d’un cycle à l’autre ». « Le nombre et la durée des cycles doivent être réexaminés tout au long de la scolarité obligatoire à partir de deux objectifs principaux : l’unité retrouvée de l’école maternelle, qui constituera un cycle à elle seule, et une meilleure continuité pédagogique entre l’école et le collège, qui sera assurée avec la création d’un cycle associant le CM2 et la classe de sixième. » Concernant le travail partenarial entre acteurs de la communauté éducative, cette loi dispose « qu’il faut mieux structurer ce partenariat et travailler à une complémentarité entre les interventions sur des temps éducatifs articulés entre eux : temps scolaire, périscolaire et extrascolaire ». Le périscolaire correspondant au temps des activités juste avant ou juste après l’école et l’extrascolaire celui des autres activités non imbriquées à l’école. Ainsi, la « continuité » est à promouvoir afin d’éviter aux élèves de faire face à des obstacles cognitifs et sociaux fabriqués par le fonctionnement et la forme de ces différents espaces-temps vécus dans des institutions éducatives différentes (familiales, scolaires, périscolaires, socioéducatives…). Par exemple, les enseignants d’école maternelle demandent aux familles de préparer les enfants à la réussite scolaire en leur demandant de posséder le même souci de l’apprentissage de la lecture que l’école. Ils suggèrent aux parents des livres particuliers à lire quotidiennement aux enfants et leur expliquent la manière pédagogique de jouer avec leurs enfants à des jeux de société par exemple. Ainsi, les normes scolaires se déploient dans le cadre familial. Par ailleurs, les acteurs socioéducatifs reprennent eux aussi souvent les normes scolaires pour expliquer aux parents la manière d’être un parent convenable. Les discours et les dispositifs favorisant la continuité ont ainsi pour objectif de transformer les ruptures en passage ou en transition douce pour les enfants. Pour lutter contre l’échec des élèves à l’école, il s’agirait donc de situer les élèves dans un continuum pédagogico-éducatif, tout au long des différents niveaux de la scolarité – de l’école préélémentaire à l’université – et dans les différentes instances de socialisation – famille, école, périscolaires – dans lesquelles les enfants vivent.

Mais une rupture nécessaire

A contre-courant du discours commun, et comme le souligne Meirieu (2016), les enfants vivent principalement dans trois « espaces-temps » ou trois lieux éducatifs, « entre lesquels la discontinuité est à la fois inévitable et nécessaire » (p. 12). Ces trois lieux éducatifs sont la famille, l’école et le groupe de pairs (dans et hors de l’école). Ces ruptures peuvent être vécues par les élèves comme des signes positifs ou négatifs du grandir, mais, comme nous l’avons dit précédemment, sont susceptibles d’être à l’origine des inégalités de réussite d’origine sociale selon bon nombre de travaux scientifiques. Ici nous utilisons le terme de « rupture » comme une superposition de relations à différents espaces-temps (école, famille, activités péri ou extrascolaires) séparés entre eux et perçus comme tels par les élèves. Mais quelles sont les caractéristiques de ces lieux, et qu’en attendent les enfants et parfois leurs parents ?

1. La famille, lieu du bonheur de l’enfant ?

Dans notre héritage philosophique, la famille permet l’éducation première, celle de la formation des sentiments et de la présentation du Monde. C’est le lieu où l’enfant est protégé et où il peut grandir à l’abri des responsabilités. Pour Prairat (2005) : « Dans l’espace familial, l’enfant est accueilli, accepté, reconnu pour ce qu’il est. Il lui suffit d’être, pourrions-nous dire » (p. 40). La famille transmet un savoir d’enracinement qui permet aux enfants de développer un sentiment d’attachement et une identité sociale propice aux apprentissages futurs, ce que les sociologues nomment la socialisation primaire. Ces savoirs forment un socle sur lequel les enfants vont s’appuyer pour comprendre et interpréter les autres savoirs.

Pour la grande majorité des parents, l’école est très importante et elle l’est de plus en plus au fur et à mesure de l’avancée de l’enfant dans la scolarité. Preuve de cet intérêt, les familles que nous avons rencontrées dans le cadre de nos recherches[1] développent de véritables stratégies éducatives visant à concilier réussite scolaire et bien-être des enfants. Concernant les devoirs à la maison par exemple, la majorité des parents rencontrés y sont favorables. Même si le risque est bien réel de mettre à mal la sérénité familiale lorsque l’élève est en difficulté ou que les méthodes pédagogiques utilisées par les parents sont différentes de celles de l’école (Kakpo, 2012). Dès le plus jeune âge, hormis dans les familles les plus pauvres, les objets de l’enfance qui se trouvent dans les chambres sont aussi ceux de l’école : tableau, bureau, crayons, livres de littérature jeunesse, puzzles, encyclopédies, ouvrages scolaires par exemple (Glevarec, 2010 ; Lahire, 2019). Des outils pour y effectuer des travaux manuels et des jeux éducatifs similaires à ceux que l’on retrouve dans les salles de classe y sont aussi présents. L’école est donc très présente dans la famille, quitte à ce qu’elle devienne un enjeu affectif fort entre enfants et parents. La famille n’est donc plus un lieu qui protège complètement les enfants des enjeux sociaux et de la compétition scolaire. Cette sur-scolarisation des enfants dans la famille peut freiner le développement de relations affectives saines entre parents et enfants et nuire au bien-être des enfants (Glasman, 2005 ; Kakpo, 2012).

2. L’école, lieu de transmission ?

L’école est le lieu de l’entrée dans les savoirs et de leur mise en ordre. Pour Ardoino et Berger (2010) « l’école se propose comme le lieu de la pensée rationnelle, de l’argumentation, des énoncés vérifiés et vérifiables, du souci de la preuve » (p. 122). Si l’école est avant tout un lieu de transmission, c’est aussi un lieu de vie. Mais un lieu de vie différent de celui de la famille et différent des espaces politiques où les citoyens sont égaux et juridiquement responsables. L’école est un espace qui permet le passage du Monde des affects de la famille au Monde effectif. L’école doit assumer son autorité éducative en tant qu’influence libératrice qui interroge les savoirs communs et permet aux enfants de s’émanciper de leur bain affectif familial. La légitimité de l’école est issue de son scepticisme à l’encontre des savoirs communs. L’enseignant y a donc une autorité de référence (Prairat, 2010). Une autorité sur laquelle les enfants peuvent prendre appui pour interroger le monde et qui les autorise à penser par eux-mêmes. L’école transmet un savoir d’émancipation. Ainsi, dans nos travaux sur le passage de l’enseignement primaire à l’enseignement secondaire en France[2], pour les élèves interrogés (âgés de 10 à 12 ans), l’entrée dans le secondaire (au collège) signifie devenir grand. Ce devenir grand interroge les élèves sur leurs attitudes et leurscomportements : Que dire ? Que faire ? A quoi jouer ? Comment s’habiller, se coiffer ? Ainsi, ce passage est aussi le passage du « petit » au « grand », ne pouvant pas se faire lentement, avec patience. Les personnels scolaires, pour se faciliter l’exercice de leur métier, exigent souvent que ce passage se fasse rapidement. Si l’élève est petit en fin de primaire, il doit être grand en début de secondaire, en tout cas, le paraître le plus possible afin de ne pas être taxé de « petit », de « bébé » par les grands du collège et subir alors leurs railleries, voire une mise à l’écart. Ces remarques désagréables peuvent d’ailleurs aussi être faites par les enseignants. Les élèves de fin de primaire s’inquiètent donc de leur entrée au collège à cause de ce qu’ils imaginent de leurs relations avec les plus grands du collège. Ces plus grands se posent donc aussi en modèles qui permettront aux élèves à la sortie du primaire d’appréhender et de tenter d’intégrer un monde juvénile qui leur est encore inconnu. En fin de première année de collège, on ne joue plus, on discute (Dejaiffe et Rubi, 2010). Les jeux d’attrape se poursuivent au collège, mais il n’est plus question pour les élèves de dire qu’ils jouent au jeu du loup. Dans l’entrée au collège, signifiant devenir grand, les élèves sont sensibles à leur apparence vestimentaire, à leur façon de se coiffer. Des élèves reconnaissent, qu’entre la fin du primaire et la fin du secondaire, leurs goûts vestimentaires ont changé sous la pression des pairs. Veillant à se changer tous les deux jours, un élève rencontré nous explique : « Après ils vont dire : “Il met toujours les mêmes habits” » (Ketur, 11 ans). Le nouvel espace fréquenté institue des normes auxquelles les élèves doivent se conformer pour accéder à leur nouveau métier de collégien. La première classe du collège constitue donc un changement important, nécessite de franchir un obstacle sociocognitif et demande des évolutions tout aussi importantes, suscitant de l’inquiétude, contrecarrée cependant par la connaissance que les néocollégiens ont du collège et qui provient de leurs entourages familial et amical. Les enfants anticipent les passages, adaptent leur comportement et leurs centres d’intérêts pour se conformer à ce qu’ils imaginent et savent du niveau scolaire supérieur. Ces changements les obligent à se projeter dans une autre catégorie d’âge et sont constitutifs du grandir.

3. Le groupe de pairs en dehors de l’école, lieu d’implication ?

Le groupe de pairs, que les enfants retrouvent en dehors du temps scolaire, permet d’entrer dans un projet collectif. C’est un lieu en périphérie du temps scolaire et en périphérie du temps familial. Dans nos travaux de recherche[3], c’est aussi le lieu des activités périscolaires. Ce lieu s’articule à la famille et à l’école mais fonctionne différemment. C’est le « tiers-lieu » selon la belle expression de Coq (1994) :

« Il est d’abord un espace où de toute façon il faut bien chercher à compenser autant que possible quelque chose de ce que la famille ou l’école n’ont pas apporté alors qu’il leur revenait de le faire. Mieux, ce troisième lieu devrait pouvoir créer les conditions pour que l’éducation familiale se restaure, redevienne possible, ainsi que l’éducation scolaire […] si école et famille remplissent correctement leur rôle, elles sont dans l’impossibilité de couvrir la totalité du champ éducatif » (pp. 53-57).

Ce tiers-lieu transmet des savoirs qui impliquent les enfants dans l’apprentissage parce que l’intervenant est lui-même fortement impliqué dans ce qu’il transmet. Ici il s’agit d’une relation basée ni sur l’affectif comme dans la famille, ni sur les enjeux d’apprentissage comme à l’école, mais sur l’intérêt commun de l’enfant et de l’intervenant porté à l’activité proposée.

Une relation d’autorité de compétence

Dans nos études d’évaluation des effets des activités périscolaires sur l’expérience scolaire des élèves, nous avons recueilli des discours d’enfants qui montrent qu’ils sont très attachés aux compétences des intervenants dans ces activités.

Les activités périscolaires, constitutives de ce tiers-lieu, sont donc appréciées par les élèves en raison du type de relations que les élèves entretiennent avec les ­animateurs. A l’inverse, lorsque les activités ne sont pas appréciées, c’est parce que le choix de l’activité a été fait par les parents et non par les enfants, ou parce que les activités ne se déroulent pas comme les enfants se l’imaginaient, ou encore parce qu’ils sont en difficulté pour les réaliser, ou enfin parce que des compétences font défaut à l’intervenant : « C’est le prof, il est méchant, quand c’est les activités, il allait sur un banc et il regardait son téléphone, il ne regardait pas ce qu’on faisait. Les activités ça durait une heure et puis il ne nous faisait pas d’étirements ni rien à la fin donc le lendemain, on avait des courbatures et des trucs comme ça » (Marie, 10 ans).

Et un soupçon de démocratie dans la relation

Les enfants attendent de pouvoir s’impliquer dans ces activités et d’être accompagnés dans cette implication par un adulte dont ils ont l’impression d’être un peu l’égal. Dans ce lieu, ils apprécient donc le type d’autorité de l’intervenant et le fait de ne pas retrouver la relation dissymétrique adulte-enfant caractéristique de la relation enseignant/élève. Cette nouvelle relation adulte-enfant semble permettre aux enfants d’acquérir une plus grande confiance en eux. Contrairement aux situations de classe, les élèves apprécient le fait de minimiser les enjeux d’apprentissage dans les activités périscolaires, apprécient d’y découvrir et d’y apprendre des choses auxquelles ils n’ont pas accès à l’école et dans l’univers familial. En outre, ils apprécient que les méthodes pédagogiques octroient de la liberté dans la réalisation des activités.

En conclusion, pour une cohérence de finalité de l’action éducative

Nous venons de montrer que la recherche de continuité éducative entre tous les acteurs éducatifs constitue une modalité mise en œuvre pour favoriser la réussite éducative globale des élèves. Pour autant, ceux-ci apprécient les spécificités éducatives de chaque lieu éducatif. Ce sont ces spécificités qui permettent aux enfants d’acquérir des compétences nécessaires à la vie sociale et à la réussite éducative dans son ensemble. Les moments de rupture obligent les enfants à chercher à s’adapter à de nouvelles normes qui pèsent sur eux. Certains élèves rencontrent plus de difficultés pour parvenir à se conformer à ces normes, mais le rôle des adultes est alors de les accompagner et non de supprimer les obstacles qui empêcheraient les enfants d’apprendre et de grandir. Il ne s’agit donc pas pour les acteurs éducatifs de faire la même chose de la même manière, mais de proposer des activités pédagogiques, des méthodes et des relations adultes-enfants différentes. Ainsi, les relations entre les différents acteurs éducatifs n’ont pas pour objectif de lisser ou de mimer les pratiques des autres, mais de définir ensemble la finalité éducative des activités proposées. Chaque acteur pouvant alors ensuite décliner des objectifs liés à sa spécificité et ses compétences pour tenter d’atteindre cette finalité. Par exemple, au lieu de créer un règlement commun de l’usage de la cour de récréation occupée par des intervenants et des enseignants pour donner des repères aux enfants, la complémentarité éducative doit les amener à se demander ensemble quelles sont les caractéristiques d’une cour de récréation et comment la rendre éducative au regard des caractéristiques de la forme scolaire et de celles des activités périscolaires. Les élèves, dans leurs discours, ne mélangent ni les instances (école, famille, groupe de pairs) ni le statut des adultes (enseignants, intervenants socioéducatifs, professionnels de la petite enfance) et définissent pour chacun d’entre eux un rapport aux savoirs et un rapport aux adultes spécifiques. La discontinuité du statut des trois instances et la discontinuité organisationnelle à l’intérieur de chacune d’elles – passage primaire/secondaire, organisation des dispositifs périscolaires – obligent les enfants à se confronter à des conflits sociocognitifs (logique de projection), à s’adapter à leur nouvel environnement (logique d’intégration) et à questionner les normes posées sur eux (logique de subjectivation). Or, une articulation des trois logiques, respectueuse de l’enfance et de chaque instance, nous semble propice au grandir et au bien-être des enfants. La porosité des trois instances est donc souvent à repenser.

Benoît Dejaiffe

 

[1]-Dejaiffe, Benoît (2008). Les relations entre l’école et les familles dans l’espace rural. Enquête dans une circonscription primaire de la Meuse, Thèse de doctorat non publiée, Université Nancy 2. Les données qualitatives ont été recueillies par entretiens semi-directifs auprès de trente familles de milieux sociaux hétérogènes et les données quantitatives ont été recueillies par le biais d’un questionnaire rempli par 260 familles.

[2]-Voléry, I. ; Espinosa, G. ; Lhotel, H. ; Legrand, M. ; Dejaiffe, B. et Dupuis, P.-A. (2012). Genre, Institutions et Trajectoires Sociales (GITS), Rapport pour la Maison des sciences de l’homme de Lorraine et la région Lorraine, Nancy, Université de Lorraine. Les données qualitatives ont été recueillies par observations ethnographiques et par 5 vagues d’entretiens semi-directifs auprès de 25 enfants suivis tout au long de leur année de CM2 et de 6e.

[3]-Barthélémy, Véronique ; Dejaiffe, Benoît et Espinosa, Gaëlle (2017). Evaluation des nouvelles activités périscolaires (NAP) à Nancy : quels effets sur la réussite des enfants ? Rapport pour la Mairie de Nancy, Université de Lorraine, Université Paris-Nanterre.

26 élèves ont été interrogés par entretiens semi-directifs dans deux écoles aux contextes scolaires différents, l’une étant située en milieu urbain favorisé, l’autre en milieu classé Réseau d’Education Prioritaire. 809 élèves ont été interrogés par questionnaire. Ils se répartissaient dans des classes de cycle 2 (324 élèves) et de cycle 3 (469 élèves).

Bibliographie

Ardoino, Jacques et Berger, Guy (2010). « Forme scolaire ou processus éducatif : opposition et/ou complémentarité », Nouvelle revue de psychosociologie, N° 9, pp. 122-129.

Coq, Guy (1994). « Tiers lieu éducatif et accompagnement scolaire », Migrants-Formation, N° 99, pp. 53-57.

Dejaiffe, Benoît (2010). «Le partage de lautorité éducative», in Prairat, Eirick (dir.), L’autorité éducative: déclin, érosion ou métamorphose. Nancy : Pun, pp. 141-156.

Dejaiffe, Benoît et Rubi, Stéphanie (2010). « Jouer au loup et devenir grand : l’entrée en 6e ou le renoncement aux jeux de l’école », Colloque international Ministère de la culture et de la communication et l’AISLF : Enfance et cultures: regards des sciences humaines et sociales, Paris.

Glasman, Dominique et Besson, Leslie (2005). Le travail des élèves pour l’école en dehors de l’école, Chambéry : Université de Savoie.

Glasman, Dominique (2010). « La réussite éducative dans son contexte sociopolitique », Cahiers de l’action, N° 27, pp. 9-20.

Glevarec, Hervé (2010). La culture de la chambre, Paris : MEN/DEPP.

Kakpo, Séverine (2012). Les devoirs à la maison. Mobilisation et désorientation des familles populaires, Paris : Puf.

Lahire, Bernard (dir.) (2019). Enfances de classe. De l’inégalité parmi les enfants, Paris : Seuil.

Meirieu, Philippe (2016). « “L’enfant a besoin de discontinuités éducatives”. Entretien avec Philippe Meirieu », Diversité, N°183, pp. 12-16.

Prairat, Eirick (2010). « L’autorité éducative au risque de la modernité », in Prairat, Eirick (dir.), L’autorité éducative: déclin, érosion ou métamorphose, Nancy : Pun, pp. 39-52.

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