Au cœur de l’accompagnement des étudiant·e·s: Relation, coconstruction et ajustement

Durant mon parcours de formation d’éducatrice de l’enfance (EDE) en emploi, j’ai eu la chance de bénéficier de suivis de grande qualité avec les formatrices qui m’ont accompagnée. J’ai pu m’appuyer sur les piliers qu’ont représentés ces deux inspirantes personnes-ressources, tout en restant le moteur de ma formation. Devenir formatrice à mon tour constitue une belle étape professionnelle, me permettant notamment de restituer ce qui m’a été transmis, de contribuer à l’évolution de la profession et d’œuvrer à sa reconnaissance. J’éprouve une grande satisfaction à construire des relations significatives avec les étudiant·e·s, à actualiser mes connaissances tout en étant au contact de nouvelles idées, ainsi qu’à valoriser leurs évolutions et leurs compétences. Au fil des années, je consolide mon identité de formatrice, affine mes méthodes et ajuste mon positionnement.

Le formateur ou la formatrice est amené·e à transmettre des savoirs (ensemble cohérent de connaissances acquises au contact de la réalité ou par l’étude), des savoir-faire (compétences acquises par l’expérience dans l’exercice d’un métier) et des savoir-être (attitudes, postures, valeurs), mais principalement à créer les conditions favorables au développement des compétences de l’étudiant·e. Courau (2011, p. 25) précise qu’ « enseigner ne se réduit plus à transmettre, mais plutôt à aider à comprendre en toute conscience » et elle ajoute (ibid., p. 28) que « (…) c’est l’activité elle-même qui peut permettre à l’apprenant de prendre conscience de ce qu’il apprend et du fait qu’il est en train d’apprendre ».

En me plongeant dans cette thématique de l’accompagnement des professionnel·le·s en devenir, le terme de cocréation, nommé dans la présentation de ce numéro, a résonné de façon particulière en moi. En effet, la coopération, le dialogue ainsi qu’une relation de confiance servent de base à la construction d’un parcours de formation ajusté et évolutif. De la même manière que les ­professionnelles qui m’ont accompagnée en me guidant dans la découverte du métier, tout en me laissant garder un certain contrôle, j’ai à cœur aujourd’hui de construire chaque accompagnement sur cette base. Je vais tenter, en revenant sur deux situations emblématiques rencontrées lors de suivis d’étudiant·e·s, d’expliciter mes intentions de formatrice, les enjeux et les défis de l’accompagnement des futur·e·s professionnel·le·s.

Un cadre de formation pratique qui est à la fois défini et susceptible d’ajustement

Durant ma formation et au fil des expériences, j’ai développé mon identité et ma « boîte à outils » de formatrice. L’élaboration de supports pédagogiques, de classeurs de ressources théoriques et de dispositifs de formation pratique (adaptés au type et à la période du stage), m’a été d’une grande utilité. Lors de la première rencontre avec l’étudiant·e, je me réfère à un canevas pour poser les étapes clés de son adaptation au sein du groupe, le cadre du suivi et les bases de notre collaboration. Rejoindre une nouvelle équipe soulève des questionnements et parfois des craintes. Un accueil de qualité repose sur une bonne préparation, une attitude professionnelle propice à l’échange et inspirant la confiance. En effet, si tous les outils que j’ai construits sont une base nécessaire sur laquelle je peux m’appuyer lors de chaque suivi, il me semble que l’essentiel est ailleurs. Au cœur de cette rencontre, j’accorde une place importante à la création du lien. Isabelle Durand (2016) souligne la place prise par des enjeux relationnels pour les apprenant·e·s dans le contexte de la formation pratique. Citant Masdonati et Lamamra (2009), elle relève qu’ils sont parfois à leurs yeux « plus importants que les conditions de formation et de travail ». Elle ajoute que « les enjeux relationnels impactent le parcours de formation professionnelle et que l’apprentissage est favorisé par la relation à autrui ».

A tour de rôle, l’étudiant·e et moi présentons notre parcours et nos éventuelles attentes. Je garde en mémoire le retour d’une étudiante qui avait particulièrement apprécié le temps et l’intérêt porté à son histoire de vie et à son riche parcours professionnel. Afin d’adapter ma posture et mes méthodes, je m’intéresse également à la manière d’apprendre de chacun·e, à ce qui l’anime ainsi qu’à ses objectifs.

En tant que formateur·trice, les deux rôles majeurs d’accompagnement et d’évaluation nécessitent de s’ajuster. En effet, ces rôles varient considérablement en fonction des ressources et des besoins de l’étudiant·e, ainsi que des ­exigences liées au type et à l’année de formation (stagiaire préalable, étudiant·e ES[1] ou apprenant·e ASE[2]). Chauvet (2017) explique que tout apprentissage s’inscrit dans un cheminement plus large, auquel il est important de prêter une véritable attention pour l’organisation du dispositif de formation pratique. L’étudiant·e est en principe l’acteur principal de ses apprentissages, par les adaptations qu’il·elle réalise de ses connaissances et de ses expériences aux situations nouvelles. La place et les prises de responsabilité évoluent tout au long de la période de formation pratique en fonction des expériences préalables de l’apprenant·e et du parcours de chacun·e, en distinguant par exemple une formation passerelle d’une formation initiale. Je conçois l’accompagnement de personnes en formation comme un processus participatif, avec un cadre donné, et avec une souplesse qui permet l’ajustement aux particularités de chaque situation.

Tensions entre l’apprenant·e et un·e membre de l’équipe

Lors de mon premier suivi, j’ai dû faire face à une situation de tension entre l’étudiant·e que j’accompagnais et un·e membre de l’équipe à laquelle j’appartenais. Les actrices principales sont une apprenante ASE, une collègue EDE et moi-même en tant que formatrice.

Dès son arrivée, l’étudiante s’est rapidement intégrée dans le secteur de la nurserie. Elle a su mettre à profit ses connaissances et ses compétences, tout en prenant de multiples initiatives.

L’EDE a rejoint l’équipe quelques mois après. Ses expériences préalables se situaient principalement dans une prise en charge individuelle d’enfants et dans le domaine spécialisé. Elle avait acquis une bonne connaissance du développement des jeunes enfants, cependant, le travail d’EDE au sein d’une collectivité était une découverte pour elle.

Entre l’étudiante et l’EDE, des tensions ont progressivement émergé et se sont accentuées, notamment lorsqu’elles se retrouvaient les deux seules avec le groupe d’enfants lors d’une fermeture hebdomadaire. L’étudiante avait le sentiment de porter trop de responsabilités (dans la gestion de la dynamique du groupe et en effectuant plus de retours aux familles que cela était prévu dans ses objectifs). Elle donnait de temps à autre des directives à l’EDE. Cette dernière n’appréciait pas toujours le ton employé par l’étudiant·e, qu’elle qualifiait d’autoritaire.

En parallèle, l’EDE ressentait certaines difficultés d’intégration au sein de l’équipe. Elle était parfois sur la défensive lorsque l’équipe lui faisait part de techniques de travail et de notions pédagogiques qui différaient de sa propre expérience.

Dans le cadre de nos entretiens hebdomadaires, l’étudiante a évoqué à plusieurs reprises les tensions ressenties avec l’EDE. J’ai bien saisi que cette difficulté de collaboration suscitait des contrariétés et de l’appréhension. Partir de ses récits et se référer à un support d’analyse de pratique lui a permis de nommer ses émotions et ses besoins (resituer son rôle, clarifier ses objectifs, améliorer sa communication et rééquilibrer sa charge de travail). Elle a également pu prendre de la hauteur en identifiant des hypothèses de compréhension, certaines pistes d’action, et en établissant des liens avec une approche systémique.

Le contexte de travail est coloré par des attentes et un ensemble de représentations en lien avec les différents statuts : celui de personne en formation, de professionnel·le de l’enfance ou de responsable de structure, etc. Faire évoluer une situation implique souvent un changement de regard, de comportement ou d’organisation et, dans ce cas, une nécessité de clarification. En effet, j’ai pris conscience que l’EDE n’avait pas été suffisamment informée concernant le détail et le sens des objectifs de l’étudiante. Préciser les éléments manquants à l’EDE a été la première étape réalisée par la personne en formation, dans le cadre d’un colloque, notamment sa prise en charge d’au maximum quatre retours aux familles par jour. Parallèlement, il m’a semblé important de relever la capacité de l’étudiant·e à endosser une responsabilité supplémentaire dans un contexte d’adaptation d’une nouvelle collègue. Nous avons pu réfléchir en équipe à l’équilibre entre l’utilisation de ses ressources et le maintien de son statut de personne en formation. Sylvie Mezzena et Vincent Châtelain (2016, p. 17) relèvent qu’« en analyse de travail, la notion d’écart entre prescrit et réel affirme que l’activité ne peut être réduite à ce qui est prescrit, dans l’ordre de la commande du travail, car l’activité concrète au quotidien est foncièrement singulière et variable selon la façon dont le contexte influence ce qui se passe ». Nous avons toutes et tous en mémoire des situations où des stagiaires ou des remplaçant·e·s ont dû prendre plus de responsabilités que ce qui était prévu. Lorsqu’il y a plusieurs absences dans l’équipe par exemple, ou lors de situations d’urgence. Ces épisodes peuvent être formateurs, pour autant qu’ils soient reconnus, qu’ils ne mettent pas l’apprenant·e trop en difficulté et qu’ils ne se répètent pas trop souvent.

Cette clarification n’a néanmoins pas suffi à aplanir l’ensemble des difficultés rencontrées entre l’étudiante et l’EDE.

 

En milieu hostile – Collectif CrrC
Petite régression – Collectif CrrC

« Tu dois t’asseoir au sol avec les enfants ! »

L’EDE s’est approchée de moi pour me faire part de son agacement face à des directives émises par l’étudiante à son égard, à l’occasion des fins de journée qu’elles assumaient ensemble.

Mezzena et Châtelain (2016, pp. 17-18) décrivent qu’« accompagner un stagiaire ne relève pas de recettes toutes prêtes à être appliquées. Il s’agit d’inventer, de trouver ce qui marche en expérimentant des manières de faire, tout en découvrant au fur et à mesure des effets produits à quels problèmes nous avons affaire. (…) Des prescriptions définies une fois pour toutes, des théories ou des idées, (…) des solutions typiques à reproduire d’une fois à l’autre… la situation même du stagiaire renforce cette conception idéaliste. En étant confrontés dans les équipes à des manières de faire plurielles, hétérogènes (…) les étudiants peuvent être déstabilisés. »

D’un point de vue systémique, la cohésion d’un groupe implique chacun de ses éléments. Au niveau de l’équipe, une collaboration s’est progressivement instaurée à l’aide d’une vision commune et de l’acceptation des différences de styles éducatifs et de prises en charge du groupe. L’étudiante était en première ligne pour observer les étapes et les ajustements liés à ce processus. Karina Kühni (2011, p. 77) parle de l’intervention de la notion de style qui « est en quelque sorte la distance individuelle que chacun·e s’autorise et prend par rapport au genre. C’est sa façon de l’interpréter tout en s’appuyant dessus. Nous cernons bien ici comment les règles de travail s’élaborent, s’enrichissent et sont validées (ou non) par un collectif de personnes. »

L’ancienneté de l’étudiante (par rapport à celle de l’EDE) et son assimilation des règles de fonctionnement (explicites et implicites) l’ont menée à transmettre à l’EDE comme une règle établie, une procédure, le fait de se positionner au sol près des enfants dans ce moment difficile de la fin de la journée, où il y a beaucoup de mouvement. Elle avait bien observé et intégré le bénéfice de cette pratique. Il s’agissait donc de valider le fond de sa réflexion, mais de travailler avec elle sur la forme, la manière de transmettre. L’exploration de techniques de communication non violente : « J’aurais besoin de… », « J’ai observé que… », « Qu’en penses-tu de… ? », « Comment pourrait-on faire pour rassurer les enfants ? », et leur mise en pratique ont contribué au développement d’un lien de confiance entre elles.

Par ailleurs, afin d’éviter la triangulation et de me perdre avec ma double « casquette » de formatrice et de collègue, j’ai senti le besoin de chercher du soutien auprès de notre responsable. Une médiation leur a permis d’extérioriser les non-dits, difficultés, émotions et besoins, dans un cadre approprié.

Ces diverses étapes et réflexions ont permis de rééquilibrer leur collaboration, leurs fonctions respectives ainsi que la répartition de la charge de travail.

Pour finir, ajoutons que l’étudiante, à travers cette situation, a mis en évidence des manières différentes de fonctionner dans l’équipe, nous incitant ainsi à en rediscuter. Karina Kühni (2011, p. 76) met en exergue que « c’est bien ce jugement sur les manières de réaliser, de concevoir le travail qui va faire avancer les pratiques, qui va les réactualiser, qui va les affiner, qui va les asseoir, les légitimer comme des “bonnes” pratiques. Nous avons à assumer nos divergences, nos visions parfois antagonistes du travail, et, surtout, nous avons à en débattre ; pour trouver des façons de faire qui permettent le “bien travailler ensemble”. Cet effort, en réflexion, en débat, en controverse, en argumentation, est le prix à payer pour que le travail trouve son sens, donne du sens, prenne du sens. »

Cette expérience illustre que la cocréation ne se limite pas à la relation étudiant·e – formateur·trice, mais implique d’autres acteurs ou actrices : les pair·e·s bien sûr, mais aussi la direction.

Questionnement autour du moment du repas

Comme le disent Mezzena et Châtelain (op. cit., 2016), les stagiaires peuvent être en attente de prescriptions – de justes actions qu’on va leur transmettre et qu’ils·elles pourront reproduire. Ma conception du travail autour des situations vise davantage à interroger les pratiques et le sens qui leur est attribué, le processus réflexif en somme.

Selon Courau (2011, pp. 24-34), l’individu « apprend s’il comprend ». Il a besoin de pouvoir donner du sens, de s’approprier l’enseignement, de le lier à d’autres savoirs et à sa réalité. Il progresse s’il se sent compétent, impliqué, s’il peut vivre les effets de la réussite et de l’échec.

De telle manière que l’étudiant·e soit le moteur de sa pratique réflexive et afin de disposer de matériel significatif lors des entretiens, je demande qu’il ou elle mette par écrit une ou deux situations rencontrées, qu’elles soient vécues comme « satisfaisantes » ou « problématiques ». Le récit de la situation de l’étudiant·e constitue la base de notre travail analytique. Michelle Fracheboud (2019, pp. 98-102) parle de l’intérêt de raconter, d’écrire pour construire du savoir, sur soi, sur le métier : « L’écrit nous oblige à prendre le temps, à peser nos mots, à nous imaginer être l’autre qui lit. Cette position d’extériorité me paraît un exercice bénéfique pour le travail. (…) Nous n’avons pas conscience, si nous ne prenons pas le temps de nous y arrêter, de ce qui se joue en souterrain. Et pourtant, faire du bon travail nécessite de se servir de nos expériences et de nos connaissances sans qu’elles deviennent des procédures (…). Nous sommes affecté·e·s par notre travail. Raconter / écrire permet d’en prendre la mesure, de s’approprier notre expérience. »

Dans la seconde situation, une étudiante ES était responsable d’une table de trois enfants âgés de 4 ans, le temps d’un goûter. Il y avait deux professionnelles présentes au réfectoire et une vingtaine d’enfants. Ses interrogations concernaient son positionnement lors des faits suivants : durant la majeure partie du goûter, Enzo[3] refuse de manger et de boire, il se couvre avec le capuchon de son pull, baisse et tourne la tête quand elle lui parle ou lorsqu’elle le regarde et se lève de sa chaise pour se mettre au sol en souriant.

Il me semble pertinent de restituer certains moments clés de l’analyse, qui ont suivi la lecture de son récit, sous la forme d’un dialogue :

« – Je te propose de me dire comment tu qualifies cette situation : plutôt satisfaisante ou problématique ?

– Je trouve quand même que c’est problématique. C’est vrai que ça m’embêtait parce qu’un enfant a besoin de manger et ce n’est pas normal qu’il ne mange pas.

– Merci, je te propose maintenant si tu es d’accord de revenir tranquillement sur un moment de ton choix.

– Oui, par exemple quand Enzo a mis son capuchon […]. Le fait qu’il se renferme complètement.

– D’accord, quand tu dis qu’il se renferme complètement, pour toi, cette observation est liée aux faits qu’il fermait son capuchon et qu’il ne répondait pas à tes questions ?

– Oui, c’est exactement ça […]. Je ne sais pas si c’était une situation qui le stressait, j’ai essayé de dédramatiser.

– Quand tu parles d’avoir essayé de dédramatiser, comment t’y es-tu prise ?

– Je me suis mise à sa hauteur, […] j’ai posé une main sur son épaule, je lui ai demandé s’il avait besoin de quelque chose, […] j’ai essayé de l’intégrer avec les autres enfants.

– D’accord, merci. Qu’est-ce qui t’a fait écrire ce récit en particulier ?

– Je me questionne sur les méthodes à employer lorsqu’un enfant se renferme. Et à la fin, il a réussi à manger qu’un morceau. Et puis j’ai dû aller le relever parce qu’il était par terre. […] “Est-ce que j’ai bien réagi ?”, ai-je trop persisté ?”. C’est toujours un peu en lien avec les limites : “Comment je me place avec l’enfant ?”.

[…] Sur quel élément t’approcherais-tu davantage à présent que nous sommes en train de décortiquer la situation ?

– Je fais un lien avec un besoin d’attention, de se sentir rassuré, d’observer que l’adulte est là pour lui. […] Je ne sais pas si ça peut entrer un peu dans le jeu. […] Aurais-je dû être plus ferme avec lui étant donné qu’il sourit

[…] Est-ce que ça a fonctionné le fait que tu lui dises que s’il ne se rassoit pas seul sur la chaise c’est toi qui irais le chercher ?

– Justement, il a continué à rigoler et c’est là que j’ai dû le prendre. […] J’ai pris une autre intonation. […] Il a eu un petit moment pour pouvoir décider.

[…] Donc cette manière d’agir a fonctionné ?

– Oui.

[…] Serais-tu d’accord de me dire comment tu t’es sentie dans cette situation ?

– Je n’étais pas très à l’aise, je ne savais pas si je faisais juste ou pas. Je me suis sentie un peu démunie […].

– Peux-tu te situer par rapport à ton positionnement et à tes questions de départ […] ?

[…] Il y a tout ce qui a été mis en place pour qu’il puisse se nourrir. C’est vrai que j’ai quand même bien fait […] d’essayer de le faire participer un peu. Je pense que j’ai bien agi car je me questionne, je porte de l’attention à cet enfant. »

J’ai fait usage dans cet échange de techniques issues de « l’entretien d’explicitation » (Chételat et Delange, 2018), consistant notamment à formuler des questions ouvertes et à soutenir la verbalisation des implicites du vécu, en demandant l’accord à l’étudiante à différentes reprises, en utilisant le «comment » à la place du «pourquoi », en rebondissant sur certains verbes d’action et mots employés afin de rester sur son « film », etc.

En guise de conclusion, il est intéressant de faire un lien avec ce que dit Sylvie Mezzena (2016, p. 20) lorsqu’elle aborde la notion d’enquête : « Faire bouger le stagiaire est au cœur de l’accompagnement en l’amenant à éprouver par lui-même l’expérience qui consiste à enquêter pratiquement : expérimenter les ajustements comme manière de répondre à ce qui se passe dans la situation, apprécier sur le moment les conséquences de ce qui est fait. » Au fil de l’analyse, l’étudiante a évolué dans sa manière de percevoir la situation : sa préoccupation de départ était que l’enfant mange, mais assez rapidement, son souci était plutôt de maintenir le lien avec lui et entre les enfants malgré les signes de repli. De plus, les réflexions sur son positionnement (donner de l’attention, poser une limite, etc.) contribuent à la construction de son identité professionnelle et à l’identification des ressources à disposition. Mon intention vise à ce que l’étudiante puisse prendre conscience des questionnements, interprétations et émotions qui l’ont traversée. De plus, ce travail met en lumière les décisions qu’elle a été amenée à prendre et les compétences mobilisées qu’elle pourra transposer à d’autres situations.

Accueillir un·e étudiant·e, c’est rencontrer une personne différente lors de chaque suivi et tisser avec elle son cheminement durant ce temps passé dans l’équipe. C’est lui offrir la possibilité d’observer nos pratiques mais aussi de l’inciter à les questionner, à expérimenter et à revenir sur les situations, toujours singulières, qu’elle rencontre pour comprendre ce qui s’y est joué. Ce qui implique un lien de confiance suffisant pour que l’étudiant·e ose partager la succession des pensées et des émotions qui l’ont traversée. Finalement, c’est aussi accepter, comme dans la première situation décrite, que sa présence ait un effet sur cette équipe et s’en saisir pour faire avancer notre propre travail. En ce sens, il s’agit bien d’une cocréation, qui va au-delà de la formation pratique elle-même.

Florine Laeser

Bibliographie

Chauvet-Maurer, Jessica (2017), Former et Apprendre, Module SIT : IFFP, Renens.

Chételat, Christine et Delange, Ioana (2018), Sensibilisation à l’entretien d’explicitation, Module APA : ESSIL, Lausanne.

Courau, Sophie (2011), Les outils d’excellence du formateur Tome 2: Concevoir et animer des sessions de formation, ESF, Paris.

Durand, Isabelle (2016), « Dynamique de positionnement dans les interactions tutorales : une analyse interactionnelle dans le champ de la formation à l’éducation de l’enfance », Phronesis, consulté sur : https ://www.cairn.info/revue-phronesis-2016-3-page-125.htm

Fracheboud, Michelle ; Kühni, Karina ; Mühlebach, Claudia (2019), « Penser à trois voix et écrire au pluriel », Revue [petite] enfance, N° 130, pp. 97-102.

Kühni, Karina (2011), « Le jugement du travail et la coopération », Revue [petite] enfance, N° 105, pp. 76-77.

Mezzena, Sylvie et Châtelain, Vincent (2016), « Accompagner un stagiaire en éducation : une expérience dilemmatique », Revue [petite] enfance, N° 119, pp. 17-18.

 

[1]-Ecole supérieure en éducation de l’enfance

[2]-Assistant·e socioéducatif, formation permettant d’acquérir un certificat fédéral de capacité.

[3]-Prénom d’emprunt

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