«Il faut bien lâcher quelque part…»

Le billet d’un directeur consterné

Une question cruciale nous est posée dans le cadre de la révision de la loi sur l’accueil de jour des enfants (LAJE 2006). Quelle valeur et quel sens donnons-nous, professionnels des milieux d’accueil de l’enfance, à nos qualifications et jusqu’où sommes-nous prêts à les défendre ?

Les milieux professionnels et associatifs sont actuellement consultés pour donner leur avis sur divers changements touchant l’accueil des familles en milieu extrafamilial. Dans le but de contextualiser cette démarche, le Département des infrastructures et des ressources humaines du canton de Vaud (DRIH) a distribué un rapport explicatif en octobre 2015. Alors qu’il débute par un chapitre intitulé « Contexte et enjeux », je constate que ce rapport n’aborde pas les questions essentielles, que nous pourrions nous poser, lorsqu’il s’agit de se positionner sur les règles « ayant trait à la qualité de la prise en charge des enfants jusqu’à 12 ans » (DRIH, 2015, p. 3). Pourtant, le DRIH dit en introduction avoir analysé la politique publique en matière d’accueil et d’éducation de l’enfant (AEJE), de manière globale, mais en tenant compte des besoins des enfants et de la société. Ah bon, c’est une bonne nouvelle. Il y aurait donc une politique publique traitant de ces questions dans notre canton ? Qui plus est, pour les besoins de la société ? Mais de quelle société parlons-nous, ou devrais-je dire, de quelles sociétés ? Car s’il fallait ici parler d’une politique publique, ses finalités seraient peut-être économiques, mais en tout cas pas familiales.
Nous pourrions, en effet, nous réjouir du fait que les services cantonaux se questionnent enfin sur les missions confiées aux structures d’accueil collectives. Nous pourrions également nous réjouir qu’une « offre d’accueil de qualité » fasse partie des « infrastructures nécessaires, en contribuant à la qualité de vie, au dynamisme économique et à la cohésion sociale d’un canton» (ibid. p. 2).
Mais pourtant, je trouve ce rapport sur la nouvelle LAJE tout simplement consternant. En effet, si le bénéfice des modifications proposées est évident pour les sociétés et leur dynamisme économique, je ne vois pas celui de la société. Encore moins celui des enfants. Comme si les lieux d’accueil pour l’enfance pouvaient se réduire à une question d’argent et de nombre de places offertes… Diminuer les qualifications des équipes éducatives tel que proposé par cette révision, va bien permettre de diminuer les coûts de l’accueil. Cela permettra certainement d’accélérer le développement structurel des réseaux et d’augmenter le nombre d’enfants accueillis dans les institutions. Oui, plus de femmes iront alors travailler.
Mais il ne suffit pas de mettre des enfants dans une institution pour l’enfance pour favoriser la cohésion sociale. Cela demande des compétences et une vision commune de ce que sont l’enfant, la famille, leurs droits, leurs intérêts et leurs besoins. Ceci demande également des missions et des objectifs institutionnels clairement définis, pensés dans le sens de pratiques de qualité.

Ce rapport évoque pourtant le souhait du Canton de Vaud d’ancrer dans la loi ce qui est attendu des milieux professionnels. En dépit de cette bonne intention, ce qu’il exprime, c’est plutôt le besoin urgent qu’ont les milieux politiques, mais aussi les professionnels, de clarifier leur vision de ce qu’est la qualité dans l’AEJE. Car les propositions issues des consultations effectuées reflètent certainement un manque flagrant d’écoute et de confiance à l’égard des éducateurs et des chercheurs ; le cadre proposé à l’aboutissement de la première phase de consultation n’est, en effet, rien d’autre qu’une révision à la baisse des normes structurelles.
Mais les résultats de cette consultation soulèvent une autre question. Comment se fait-il que les professionnels, eux-mêmes, lors des rencontres consultatives , n’ont pas affirmé que la qualité ne peut être garantie par les seules normes structurelles ? Comment se fait-il qu’à aucun moment, il n’y ait eu de question sur les moyens nécessaires, en matière de formation continue ou de temps hors enfants (au-delà des ridicules 10% proposés actuellement par le cadre cantonal), pour améliorer la qualité des relations entre les enfants et les adultes ? Pourquoi aucune question sur les moyens et les processus nécessaires à l’évaluation de la qualité n’a été posée ?
Réfléchir à un changement de normes en se basant sur le cadre actuel revient, à mon avis, à faire toujours plus de la même chose. Nous devrions peut-être chercher à enrichir notre vision de l’accueil et de l’éducation de l’enfant, pour mieux la défendre et la légitimer.
De nombreuses recherches à l’étranger, mais également en Suisse, nous montrent que la qualité de l’accueil des enfants dépend de la prise en compte d’au moins quatre dimensions, constitutives et indissociables, influençant les expériences et l’environnement proposés aux familles.

1. La dimension des orientations, la valeur de l’éducation pour la société
Pour la Commission fédérale de coordination pour les questions familiales (COFF), les conditions d’accueil des enfants dépendent en premier lieu de la qualité des orientations, ce qui induit des questions de gouvernance. Cela correspond à l’importance qu’accorde un gouvernement à l’AEJE, au niveau de ses lois ou de ses réglementations, dans le sens où ces dernières influencent le travail pédagogique et ses objectifs et renvoient « à la valeur attribuée par la société à l’éducation de la petite enfance » (COFF, 2008, p. 35).
Concernant cette première dimension, le fait que l’AEJE vaudois ne fasse toujours pas partie d’un système intégré au niveau cantonal, est assez éloquent. Diverses recherches, comme celle de Margritt Stamm, ont pourtant montré qu’il y aurait certains enjeux au (dé)cloisonnement des services pour l’enfance (in Gillet, 2015, pp. 3-8). Plusieurs pays membres de l’OCDE, dont la Suisse, continuent en effet à maintenir un système où les services à la petite enfance sont cloisonnés entre affaires sociales et instruction publique, ou même, dans le cas de l’Etat de Vaud, au Département des infrastructures et des ressources humaines (DRIH). Les enfants scolarisés dès 4 ans restant eux sous la responsabilité de la direction générale de l’enseignement obligatoire (DGEO) ; un enfant passe donc d’un service à l’autre selon son âge ou son agenda institutionnel quotidien… Bennett (ibid.) rejoint les propos de Stamm et soutient la mise en place d’un système intégré, accueillant l’enfant et sa famille de manière continue jusqu’au primaire. Cela contribuerait selon lui à la clarification des missions, à une meilleure reconnaissance des professionnels et à l’octroi de moyens adéquats notamment en matière de formation professionnelle. Il avance également qu’un service intégré, géré par l’Etat, permettrait également « l’admissibilité universelle » de manière abordable pour toutes les familles (ibid. p.3-8). Visiblement, il n’est pas question d’un tel changement au niveau vaudois. C’est même encore plus grave puisque l’Etat accepte, dans cette nouvelle loi, de se défaire de la responsabilité des normes liées à l’accueil parascolaire, en la confiant aux communes, tout en gardant un mandat de surveillance ! Il est à craindre que la même logique du qui paie décide, soit bientôt appliquée également pour le champ préscolaire.
Pourtant, le fait de déterminer les missions et les objectifs de l’accueil, sur un plan plus régional, n’est en soit pas forcément inintéressant au plan démocratique. Ce qui ici m’inquiète, sachant qu’un accueil de qualité respectant les droits de l’enfant demande des moyens en conséquence, c’est que cette responsabilité soit confiée à des communes déjà exsangues financièrement. Et ce n’est pas la hausse du subventionnement de cinq pourcents prévue par le Canton d’ici à 2022 qui changera la donne… Mais relevons tout de même que le souhait de faire figurer, dans la nouvelle LAJE, certaines missions dévolues à l’AEJE constitue malgré tout un progrès.

2. La dimension structurelle, les moyens adéquats
La deuxième dimension, la qualité structurelle, porte « sur les instruments de régulation dont le rôle est de garantir la qualité des institutions » (COFF, 2008, p. 35). Cela comprend autant les mètres carrés à disposition des enfants, le matériel, que les ratios d’encadrement, le niveau de formation du personnel, les questions de sécurité et toutes les questions concernant les conditions de travail.
La proposition faite, dans la nouvelle LAJE, de diminuer la proportion de personnel formé au niveau tertiaire est à ce titre éloquente. Elle reflète de la part de notre société, me semble-t-il, une image pauvre de l’éducation des jeunes enfants, de ses enjeux et met en danger les équipes éducatives et leur capacité à accomplir leurs missions.
De fait, cette proposition de modification des conditions structurelles comporte un caractère complètement paradoxal ; d’un côté, il est admis que les IPE, « par l’action des professionnels qui y travaillent, poursuivent une mission éducative… ainsi qu’une mission sociale et préventive favorisant l’égalité des chances et l’intégration sociale des enfants et de leur famille » (DRIH, p. 9). Ce qui revient à reconnaître (il était temps) la complexification des missions des professionnelles de l’enfance, à reconnaître que l’éducation et l’accueil des familles ne relèvent pas uniquement de gestes techniques ou innés (chez la femme…), mais bien de compétences spécialisées, propres au champ des travailleurs sociaux.
Et de l’autre côté, il est demandé de diminuer les formations nécessaires pour les professionnels, en augmentant la proportion d’éducateurs formés par un apprentissage au niveau secondaire II. Le double message est troublant, faites plus avec moins.
Le champ professionnel de la petite enfance a déjà perdu passablement de compétences et de moyens, lorsque sa formation de base a été exclue des HES. Car en soit, confier la responsabilité principale de la bonne marche des services à des professionnels venus du milieu ES était déjà problématique . Les familles ont des demandes de plus en plus complexes. C’est pourquoi, continuer à diminuer les compétences issues des formations de base, dans un milieu de travail toujours plus exigeant, où la présence de diversité et d’imprévisibilité sont nécessaires à la qualité d’une mission sociale, relève de l’inconscience.

3. La dimension fonctionnelle, des relations de qualité
La troisième dimension relevée par la COFF est celle de la qualité des interactions ou du processus. Cette dimension pédagogique, aussi appelée fonctionnelle par d’autres chercheurs, décrit l’importance des relations entre enfants, entre enfants et adultes et entre adultes au sein de l’équipe éducative comme « un facteur clé » du développement du tout-petit (Ibid.). Mise à part la demande faite par le Canton de Vaud de développer un projet pédagogique, cette dimension n’est toujours pas valorisée dans le nouveau projet de LAJE. Le DRIH mentionne en effet dans son rapport que les infrastructures permettent d’assurer la sécurité des enfants et que « le projet pédagogique permet de s’assurer de la prise en compte adéquate des besoins des enfants », en s’assurant du « bon développement des enfants concernés » (DRIH, p. 3). Difficile d’adhérer à de telles certitudes, lorsque l’on pense aux récents événements de maltraitance qui ont secoué le milieu professionnel vaudois de l’enfance.
Cette dimension fonctionnelle est donc en étroite relation et est complémentaire à des questions structurelles comme la formation du personnel éducatif. A ce sujet, Woodhead relève l’importance de cette complémentarité. Car « accorder une attention disproportionnée aux indicateurs de ressources matérielles peut conduire à négliger des indicateurs qualitatifs et des processus plus subtils » (in Gillet, M., 2015, p. 6-2). Nous voyons ici qu’il ne suffit pas de vouloir garantir la sécurité, il est primordial de définir ce qu’est pour nous le bon développement. Un tel processus de définition dépend de la clarification des missions et de la formulation d’objectifs des services pour l’enfance. Cela doit être défini collectivement, afin de correspondre aux attentes de la population concernée. Mais aussi pour s’assurer, localement, des moyens nécessaires à mettre en place. Rien ne me semble prévu dans cette nouvelle LAJE pour répondre à ces besoins.

Pourtant là encore, les chercheurs sont clairs ; il est primordial de nous concentrer sur l’amélioration des conditions des expériences vécues par les enfants, afin que leur implication dans leurs découvertes et leurs apprentissages puisse être positive. Ce qui irait dans le sens des missions décrites de manière très générale par le DRIH.
L’investissement des enfants dépend en effet du plaisir et de la possibilité qu’ils ont d’exprimer leur curiosité. Or, pour Sylvie Rayna, cela n’est possible qu’à condition que les adultes qui accompagnent ces enfants puissent, eux aussi, s’impliquer, avoir du plaisir et exprimer leur créativité (Ibid., p. 6-2). Cependant, selon Rayna, les cadres structurels actuels ne sont pas suffisants. La chercheuse nous indique que les choix pédagogiques, comme celui d’éduquer à la démocratie, doivent par conséquent être valorisés et soutenus afin de résister au retour « d’un hygiénisme moderne, d’une montée des réglementations qui inhibent au lieu de soutenir le travail auprès des jeunes enfants (…) qui enferme les équipes dans un ensemble de techniques modernes » (Ibid.), menant au final à devoir toujours plus interdire ou contrôler.
Martin Woodhead propose également de favoriser la participation guidée de l’enfant à des apprentissages scientifiques et sociaux. Cela revient à reconnaître à l’enfant non plus seulement des besoins, mais surtout des compétences et à comprendre son développement comme naturellement culturel (ibid. p. 4-3). En effet, tout en reconnaissant l’importance des processus naturels de maturation physique et neurologique, un tel concept donne à l’enfant un caractère situé dans le temps et l’espace, où l’élément humain et social prend le dessus sur le naturel, valorisant le rôle de l’enfant pour la société et lui reconnaissant des compétences utiles à tous. Pour Dahlberg, Moss et Pence, le respect du droit de l’enfant à la participation, l’amène à être traité et écouté comme un être social et compétent, un enfant riche « en interaction avec d’autres êtres humains, un enfant coconstructeur du savoir, de l’identité et de la culture » (Ibid.).
Les missions évoquées dans le nouveau projet de LAJE devraient donc être, selon moi, assorties d’objectifs beaucoup plus clairs. Il devrait être prévu, en respect de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), la mise en place de processus démocratiques permettant la définition de ce qui constituerait un accueil et une éducation de qualité ; une éducation en milieu extrafamilial soutenue par les moyens nécessaires, pour reconnaître l’enfant comme acteur de sa propre vie (quel que soit son âge). Cela demande du temps de travail et des compétences très spécifiques. Nous ne pouvons pas exiger cela d’un personnel éducatif insuffisamment formé, cela relève d’une responsabilité publique, de celle de la société.

4. La dimension opérationnelle, un système compétent
La dernière dimension relevée par la COFF est celle de la qualité opérationnelle. Il s’agit ici de l’aspect lié à la gestion de l’institution. Pour la commission, elle se définit par « une direction motivante, un travail d’équipe efficace, un flux d’information transparent, des offres de perfectionnement et une planification de carrière régulière, sans oublier du temps en suffisance pour la réflexion sur le travail » (2008, p. 35).
Les professionnels de l’enfance savent à quel point le sens du temps hors enfant est mal compris. Il est perçu comme improductif. Que va-t-il arriver au compromis consistant à attribuer un dix pourcents de temps de travail, pour les nombreuses tâches et responsabilités qui doivent pouvoir se faire en dehors de la présence des enfants ? Rien ne nous garantit qu’il soit maintenu dans le futur cadre parascolaire. Rien non plus n’est mentionné dans la nouvelle LAJE, pour valoriser ce temps, en référence à la clarification des missions éducatives et à la reconnaissance de leur complexité.
Florence Pirard établit pourtant un lien direct entre la complexité du travail éducatif, la formation du personnel, les temps de réflexion sur le terrain et la mise en place de ce qu’elle définit comme un système compétent. Pour Pirard, un accueil favorisant la diversité, construit sur une base démocratique, demande du temps et de la formation. « Il s’agit de permettre aux familles qui franchissent le pas de se rendre compte qu’elles sont attendues, bienvenues, qu’elles gagnent à partager leurs préoccupations de façon à permettre aux professionnels d’ajuster au mieux les conditions d’accueil au quotidien » (in Gillet, 2015, p. 6-4).
Je relève ici que le DRIH propose de définir les missions de l’EAJE en reconnaissant « la mission sociale et préventive, favorisant l’égalité des chances et l’intégration sociale des enfants et de leur famille » (DRIH, p. 9). Si cette définition est louable, où sont mentionnés les moyens nécessaires pour l’accomplir ? Pour Pirard (in Gillet, 2015, p. 6-4), cela demanderait de pouvoir :
⋅ « développer les compétences réflexives qui permettent d’intégrer, dans l’agir et le vécu, la recherche de manière à réagir au bénéfice des enfants et d’adapter la situation éducative en tenant compte de l’ensemble des acteurs », ceci par des ateliers d’analyse de pratique dans « des moments de réunion d’équipe, surtout si celle-ci est pluridisciplinaire » ;
⋅ « veiller à dégager, sur le terrain, des moments réguliers de réflexion en équipe (…) de prendre ainsi du recul et rechercher avec d’autres personnes compétentes les manières de gérer au mieux les situations » ;
⋅ « susciter des initiatives de formation continue et d’accompagnement professionnel qui permettent de sortir de l’entre-soi, de rencontrer des intervenants d’autres institutions » ;
⋅ « développer des conditions de travail en réseau qui rendent possible une approche interdisciplinaire des situations » ;
⋅ « soutenir les démarches professionnelles par des politiques clairement engagées dans la lutte contre la pauvreté et la précarité (…) ne pas s’enfermer dans une logique de marché en multipliant le soutien aux offres de formation de courte durée… soutenir prioritairement des dispositifs de formation et d’accompagnement inscrits dans la durée ».

Visiblement nous n’en sommes pas là. Rien non plus n’est indiqué dans la proposition du DRIH concernant les qualifications minimales pour être directrice ou directeur. Le réseau pour lequel je travaille dit ne plus vouloir financer autre chose que des CAS en gestion d’équipe… Moins de compétences dans les équipes, moins de compétences dans les directions, le slogan « Pas que de la garde, + que de la garde ! » , risque bien de devenir, à courte échéance, un objectif plus très SMART, rendu irréalisable par le manque de moyens appropriés !
Il me paraît par conséquent indispensable aujourd’hui de nous mobiliser, parents, professionnels, politiques, pour qu’une telle échéance n’arrive pas. Le « il faut bien couper quelque part… », entendu ces jours lors d’une discussion avec une représentante de l’Etat de Vaud en charge des questions petite enfance, est inacceptable. Non il ne faut pas.
Si la motion Borloz (2009), en bonne partie responsable de la gravité de ce qui est soumis à consultation, a force de loi, elle n’a en aucun cas force de choix. Or, c’est bien de cela dont il s’agit. Du choix d’une société d’attribuer ses ressources là où devrait être la priorité, à savoir garantir le meilleur avenir possible à nos enfants. Le choix de définir une vraie politique de l’enfance, dans le cadre, peut-être, d’une future politique familiale. Car l’enjeu n’est pas l’argent. Cela doit passer par une reconnaissance de nos peurs et une sérieuse remise en question. Sylvie Chatelain-Gobron l’a bien compris lorsqu’elle émet l’hypothèse suivante : « Le métier d’éducateur de l’enfance peine à être reconnu socialement et politiquement comme un métier à part entière, a fortiori comme un travail social, parce que son existence même vient heurter la représentation traditionnelle de la famille. Le reconnaître comme une activité professionnelle signifierait admettre et accepter les mutations sociétales et leurs conséquences. Or, la remise en question est trop profonde, elle vient bousculer nos croyances les plus ancrées. De fortes tensions existent donc entre le discours, les représentations sociétales et les faits. Dès lors, des résistances multiples sont à l’œuvre pour tenter de freiner l’évolution de la mission des crèches » (2015, p. 26).

Ce billet est adressé à tous les professionnels de l’enfance comme un appel à la mobilisation. J’espère qu’il sera également lu par les représentants politiques qui décideront bientôt de l’avenir de la qualité de l’AEJE dans le canton de Vaud. Alors, pour ne pas conclure (comme dirait Florence Pirard), à l’intention de ces représentants des citoyens, j’aimerai encore citer Catherine Bouve (in Chatelain, p. 16), lorsqu’elle y écrit :
« Une politique petite enfance digne de ce nom ne peut pas se cantonner à des critères quantitatifs de places, mais se doit de participer à la réponse à la question et à ce qu’elle comporte comme enjeu de formation : quelle éducation pour nos enfants, pourquoi sommes-nous là ? Face aux résurgences des rationalités éducatives, des technocraties éducatives, des velléités de dépistage, de rééducation, de prévention normative, définir le sens de cette présence et de la portée sociale et politique de tout acte, de tout projet éducatif, devient vital. »

Bibliographie

Borloz, F., 2009. Motion « Accueil préscolaire : trop de normes tuent les normes. Simplifions-les ! ». (Récupéré le 08.05.2014 de http://www.vd.ch/fileadmin/user_upload/organisation/gc/fichiers_pdf/ 09_MOT_076_Depot.pdf)
Chatelain-Gobron, Sylvie, 2015. Le métier d’éducateur de l’enfance. Entre tensions identitaires et reconnaissance professionnelle. Lausanne : CREDE.
COFF, 2008. L’accueil de jour extrafamilial et parascolaire en Suisse ; un état des lieux de la Commission fédérale de coordination pour les questions familiales; récupéré le 17.04.2014 de http://www.ekff.admin.ch/c_data/f_Pub_Kinderbet.pdf
Etat de Vaud. Loi cantonale du 20 juin 2006 sur l’accueil de jour des enfants (LAJE) ; RS/VD 211.22. Récupéré le 08.05.2014 de http://www.faje-vd.ch/Documentation/laje.pdf
Etat de Vaud, 2015. Rapport explicatif en vue de la consultation sur la modification de la LAJE – LHPS., récupéré le 29.11.2015 de http://www.adcv.ch/files/1446200950-rapport-explicatif-avant-projets-laje-lhps-consult-5658.pdf
Gillet, Marc, 2015. L’accueil et l’éducation du jeune enfant : un enjeu politique, démocratique et stratégique. Représentations et responsabilités d’acteurs politiques dans la définition et l’évaluation continue des institutions extrafamiliales de leur région. Mémoire de formation en MAS HES-SO DIS. Genève.
OAJE. Directives pour l’accueil de jour des enfants ; Accueil collectif de jour préscolaire ; Cadre de référence et référentiels de compétences ; OSSAM / Doc n° R5.01 / Version du 01.02.2008.

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