N°140

Les enfances galériennes

Les héritages sont pour le moins contrastés : selon que l’on
naisse bardé de cuillères en argent ou que l’on vienne au
monde dans une vie en galère, l’avenir n’a pas la même
saveur. La transmission générationnelle de la précarité suit
un chemin très balisé et les « destins sociaux » ont une fâcheuse
propension à la reproduction. Statistiquement au moins,
la richesse se perpétue aussi bien que la misère.
Les adultes précaires sont régulièrement renvoyés à leur
responsabilité individuelle. Que ce soit au café du commerce
ou dans les cercles du pouvoir helvétique, il en est qui tiennent
mordicus à lier défaillance personnelle et précarité. Ce
discours a un peu de peine à prendre quand on parle d’enfants
précaires. Les bébés peuvent difficilement être tenus pour
responsables du milieu dans lequel ils arrivent.
Eduquer c’est aussi lutter contre la force des déterminismes
sociaux. Ce travail commence très tôt, il a sans doute des allures
sisyphiennes, mais quelques-un·es s’y collent néanmoins.

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