Sébastien

En octobre 2020, nous avons accueilli un petit garçon de 8 mois, Sébastien[1], au sein du groupe Nursery, pendant une durée d’un an.

L’éducatrice de référence et l’équipe ont rapidement été interpellées par une absence de contact visuel tant avec les adultes qu’avec les autres enfants. Sébastien ne manifestait pas d’émotions ni l’intérêt d’interagir avec les autres enfants. Il avait tendance à refuser la nourriture, manifestant clairement sa préférence pour un biberon dans les bras. Il passait la majeure partie de son temps dans le lit en faisant des siestes allant jusqu’à cinq heures. On pouvait qualifier son développement moteur d’hypotonique.

L’équipe a réfléchi à des stratégies permettant d’accompagner au mieux le développement de ses capacités. Au fil des mois, des progrès considérables ont pu être constatés grâce aux ressources mobilisées par l’enfant, au respect de son rythme et de sa personnalité. Les contacts ont pu être établis, ses émotions s’extériorisaient naturellement, les déplacements « à quatre pattes », puis la marche, se sont mis en place. Des comportements d’affirmation et d’opposition ont également pu être observés.

Malheureusement, une rupture du contrat d’accueil de l’enfant a eu lieu pour cause de factures impayées. Environ neuf mois se sont écoulés entre le 1er, le 2e rappel (l’ultime et lors duquel un plan de paiement est proposé) et la résiliation du contrat.

La direction, en collaboration avec les services administratifs et financiers, a tenté plusieurs contacts téléphoniques, organisé des entretiens et proposé des soutiens administratifs aux parents. Plusieurs questions ont été abordées lors des échanges : « Ont-ils pris conscience de la situation ? », « Quelles sont les démarches qu’ils peuvent entreprendre ? », « Vont-ils réussir à payer ? », « Ont-ils besoin d’un soutien extérieur ? », « En cas de résiliation, comment organiser le départ de l’enfant ? ».

Cet accompagnement individuel vise à une vraie prise en compte des besoins et du contexte propre à chaque famille. Dans cette situation, malgré les tentatives, aucune solution dans la durée n’a pu être trouvée.

Ce qui met en évidence la complexité entre le soutien à la famille et le fait d’être tenu par un contrat exigeant des différentes parties d’assumer leurs obligations, sans déposséder les parents de leurs responsabilités.

En tant qu’équipe éducative, nous n’avons pas accès à tous les éléments de la situation des parents, d’une part, afin de protéger leur sphère privée et, d’autre part, pour préserver un regard bienveillant lors de l’accueil quotidien de la famille.

Malgré les beaux progrès réalisés par l’enfant qui s’épanouissait de plus en plus au sein du groupe, nous avons été touchées de ne plus pouvoir l’accueillir. Une invitation à passer pour se dire au revoir a été faite, mais malheureusement nous n’avons plus revu cette famille.

Un sentiment d’impuissance et d’inachevé en découle et reflète les limites de notre mission en tant que professionnel·le·s confronté·e·s aux réalités sociales, économiques et politiques.

 

[1]-Prénom fictif.

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